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Maisons d'écrivains

21 octobre 2013

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23 septembre 2013

Albert Camus à Lourmarin

   Biographie d'Albert Camus

 

2112 Jul

 

 

"L'homme est la seule créature qui refuse d'être ce qu'elle est."

 

Né le 7 novembre 1913 à Mondovi en Algérie, Albert Camus est le deuxième fils de Lucien et Catherine Camus. Moins d'un an après sa naissance, son père est mobilisé en métropole. Sa mère, à moitié sourde, qui ne sait ni lire ni écrire, retourne chez sa mère à Belcourt, quartier populaire de l’est d’Alger. Blessé lors de la bataille de la Marne, son père meurt le 11 octobre de la même année dans un hôpital militaire. Albert Camus n’aura jamais connu son père, autrement qu’en photo ou au travers d’anecdotes. Dans "Le Premier Homme", roman autobiographique inachevé, Albert Camus écrit : "Il avait été vivant, et pourtant il n'avait jamais pensé à l'homme qui dormait là comme à un être vivant, mais comme à un inconnu qui était passé autrefois sur la terre où il était né; dont sa mère lui disait qu'il lui ressemblait et qui était mort au champ d'honneur".


Installée chez sa mère, Catherine Camus confie l'éducation de ses deux fils à sa propre mère, une femme "rude, orgueilleuse, dominatrice" qui les élève "à la dure". (Extrait d'un brouillon de "L'envers et l'endroit"). 

Albert Camus grandit sous l'immense soleil d'Alger et fait ses études à l'école communale. En 1923, son instituteur, Louis Germain, le remarque et lui donne des leçons particulières pour entrer en sixième au Grand Lycée d'Alger. Camus lui sera toujours reconnaissant et c'est à lui qu'il dédiera en 1957 son discours de prix Nobel. " Son instituteur de la classe du certificat d'études, avait pesé de tout son poids d'homme, à un moment donné, pour modifier le destin de cet enfant dont il avait la charge, et il l'avait modifié en effet", peut-on lire dans "Le Premier Homme".
Reçu au concours, Albert Camus entre en 1924 au lycée Bugeaud. A cette époque, il se découvre une passion pour le football et se fait rapidement une réputation. En 1930, à la suite de crachements de sang les médecins lui diagnostiquent une tuberculose, maladie qui l'éloignera des terrains. 

En 1934, Albert Camus épouse Simone Hié et un an plus tard il commence à rédiger ses carnets. Il adhère au Parti communiste, qu'il quittera deux ans plus tard, et fonde à Alger le Théâtre du Travail (qui deviendra le Théâtre de l'Equipe en 1937). En avril 1936, la pièce collective "Révolte des Asturies" est interdite de représentation par le maire d'Alger, mais elle sera publiée aussitôt aux éditions Charlot. En mai, Albert Camus est reçu au Diplôme d'Etudes Supérieures de Philosophie avec son mémoire "Métaphysique chrétienne et néoplatonisme. Plotin et Saint-Augustin". Il met un terme à sa relation avec Simone Hié. A 24 ans, il publie son premier livre, aux éditions Charlot, "L'envers et l'endroit" et s'attèle à la rédaction d'un roman "La mort heureuse".

En 1938, Albert Camus entre à l'Alger Républicain, quotidien qui soutient le programme du Front populaire. Sa série d'articles, "Misère de la Kabylie", provoquera en 1940 l'interdiction du journal par le Gouvernement Général de Kabylie. Cette même année, il se marie à Francine Faure et part pour Paris. Après avoir collaboré quelques mois à la rédaction de Paris-Soir, il prend la direction du journal clandestin Combat. Au lendemain des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki, Albert Camus y publie un éditorial, aujourd'hui très connu, qui dénonce l'usage de la bombe atomique.


Lors de cette période, il publie "L'Etranger" et "Le mythe de Sisyphe" (1942), essai dans lequel il expose sa philosophie de l'absurde. L'homme est en quête d'une cohérence qu'il ne trouve pas dans la marche du monde. "L'une des seules positions philosophiques cohérentes, c'est ainsi la révolte", écrit-il. Mais Albert Camus pose aussi la question des moyens : tous les moyens ne sont pas acceptables pour atteindre le but que l'on s'est fixé.

En juin 1943, il rencontre Jean-Paul Sartre avec qui il se lie d'amitié et devient lecteur chez Gallimard. Trois ans plus tard, il quitte définitivement Combat et publie "La Peste" qui connaît rapidement un franc succès. 


Engagé à gauche, il dénonce le totalitarisme en Union soviétique dans "L'homme révolté" (1951) puis se brouille avec Jean-Paul Sartre, après la publication d'un article dans la revue Les Temps modernes d'un compte rendu blessant de "L'homme révolté". Albert Camus répond à cette critique dans la revue et Jean-Paul Sartre lui répond à son tour. "Un mélange de suffisance sombre et de vulnérabilité a toujours découragé de vous dire des vérités entières… Il se peut que vous ayez été pauvre mais vous ne l'êtes plus. Vous êtes un bourgeois…Votre morale s'est d'abord changée en moralisme, aujourd'hui elle n'est plus que littérature, demain elle sera peut-être immoralité ?", écrit ce dernier. 

En 1953, Albert Camus débute la rédaction du "Premier Homme" et il entre en 1955 à la rédaction de l'Express, dont il démissionnera plus tard en raison de désaccord avec le directeur Jean-Jacques Servan-Schreiber en raison de positions divergentes sur la question algérienne. Sa position incomprise l'isole peu à peu, lui le pacifiste dont la mère réside toujours dans un quartier populaire d'Alger. Son appel à la "Trêve pour les civils" lancé en janvier 1956 l'éloigne de la gauche, qui soutient la lutte pour l'indépendance algérienne, alors que des menaces de mort sont proférées à son encontre. La même année, il publie "La Chute", livre pessimiste dans lequel il dénonce l'existentialisme et ne s'épargne pas.

Le 16 octobre 1957, le prix Nobel de littérature est décerné à Albert Camus "pour l'ensemble de son œuvre mettant en lumière les problèmes qui se posent de nos jours à la conscience des hommes". A Stockholm après avoir reçu son prix, il est interrogé par un étudiant algérien sur le caractère juste de la lutte pour l'indépendance menée en dépit des attentats terroristes. Camus lui répond : "Si j'avais à choisir entre cette justice et ma mère, je choisirais encore ma mère". Cette phrase lui sera souvent reprochée. 


Le 4 janvier 1960, Albert Camus qui a quitté sa maison de Lourmarin pour Paris dans la voiture de Michel Gallimard, trouve la mort dans un accident de voiture. 


En vingt ans, ses romans, ses prises de positions politiques ont fait d'Albert Camus l'une des consciences du XXe siècle et lui valent une audience internationale.

 

 

Sa maison à Lourmarin.

 

 

A quoi sert le prix Nobel de littérature ? A s'acheter une belle maison dans le Luberon. Avec son chèque suédois, Albert Camus s'offre, en 1958, une ancienne magnanerie - ferme où l'on élève les vers à soie - à Lourmarin. Elle est toujours là, habitée par sa fille, Catherine, avec ses volets verts, sa terrasse arrondie, son cyprès.

Seul le nom de la voie a changé : la grand'rue de l'Eglise a discrètement été rebaptisée rue Albert-Camus.

"Il a retrouvé ici la lumière et les couleurs de son Algérie natale", explique Michel Pichoud, initiateur enthousiaste et érudit des promenades littéraires de Lourmarin. On peut encore aujourd'hui s'asseoir à une table du restaurant Ollier, où il avait coutume de boire son apéritif.  "Un pastis pour M. Terrasse ! " commandait le garçon, soucieux de garder secrète l'identité du prestigieux client.

Un peu plus loin, le stade de foot, autre passion de l'écrivain. "Il a même offert des maillots à la Jeunesse sportive lourmarinoise", raconte Michel Pichoud. Très vite, par sa simplicité, le Prix Nobel séduit le village.

"Chaque matin, de très bonne heure, je préparais son café à M. Camus et il partait faire son tour de plaine", se souvient Suzanne Ginoux, sa voisine, aujourd'hui âgée de 87 ans. Une promenade qui l'emmène sur la route de Cavaillon en passant par le magnifique château de Lourmarin, dans cette campagne austère, lumineuse, paisible, qui a bien peu changé en un demi-siècle. Au retour, il écrit Le Premier Homme. Debout à sa table, face au Luberon.

Ici, Camus fréquente aussi bien le forgeron du village et les brocanteurs, chez qui il adore chiner, que le poète René Char, son voisin de l'Isle-sur-la-Sorgue.

C'est de Lourmarin que l'auteur de La Peste entama son ultime et funeste voyage.  "Je fuis l'épidémie de grippe. A dans huit jours! " lance-t-il à la fidèle Suzanne Ginoux. On connaît la suite.

La nationale 5, le dernier repas à l'Hôtel de la Poste à Sens, la Facel Vega avec Michel Gallimard neveu de Gaston, le platane au nord de Sens à Villeblevin dans l'Yonne. Albert Camus meurt le 4 janvier 1960. Ce sont les footballeurs de Lourmarin qui portent son cercueil jusqu'au cimetière, à deux pas du château.

Sa tombe est toute simple, couverte de laurier et de romarin. A côté de celle de son épouse, identique.

 

Sa maison ne se visite pas.

 

A l'occasion du centenaire de la naissance d'Albert Camus (1913 - 1960), voici une conversation entre le journal César et Catherine Camus, fille d'Albert, qui avec pudeur et humilité s'occupe des oeuvres de son père :

 

Journal César - Deux mots sur ce lieu. Votre père qui fréquentait René Char à l’Isle sur Sorgues a acheté cette maison et en a fait la surprise à sa famille ?
Catherine Camus - Il l’a trouvée en septembre 1958. Il nous a amenés ici. Je me souviens d’un jour de septembre brumeux, très doux, et de la grande rue de Lourmarin qui était paysan à l’époque. Il a demandé si l’on regretterait la mer. Mon frère a dit non, moi j’ai dit oui. Puis il a acheté la maison et l’a entièrement arrangée avant de nous faire venir. Il y avait tout, rideaux, lits, draps, tasses, assiettes, meubles. Il avait tout conçu avec des artisans et des brocanteurs. C’était un cadeau magnifique, irréel pour nous qui avions été élevés sans superflu.

Qu’est-ce qui lui plaisait dans cette maison ? 
Elle possède une vue magnifique. On y ressent un sentiment de respiration, de beauté. Et pour lui, la mer était derrière les montagnes et, derrière la mer, il y avait l’Algérie.

Lorsqu’on évoque Albert Camus, il y a le mythe. Mais pour vous, il y a le père. Comment le décrire ?
C’était quelqu’un de rassurant. De juste. De sévère. D’éthique. Et de tendre.

Des tonalités que l’on retrouve dans ses écrits si l’on estime qu’Albert Camus, ça grandit le lecteur, ça apaise, ça suscite des interrogations ?
En effet, ce n’est pas lui qui répond à votre place. Mon père nous posait des questions. Il nous mettait devant qui on était, ce qu’on avait fait. Il nous demandait ce qu’on en pensait. Il m’a appris à ne pas mentir. Le mensonge est mortifère, il tue la vie. On était libres et responsables. C’est sûr que c’est fatigant. C’est pour cela que beaucoup de gens n’ont pas envie d’être libres. Cela suppose un état d’alerte permanent. La liberté sans responsabilité n’existe pas. Sinon vous êtes un parasite. Vous êtes responsable de vous-même et de vos actes. Et à chaque heure de la journée, vous faites un choix et ce choix a des conséquences. Aujourd’hui, les responsabilités sont extrêmement diluées. Vous ramassez un truc des impôts, vous dites que vous avez payé, mais on vous dit que c’est l’ordinateur. Lequel ordinateur peut aller jusqu’à vous envoyer le commissaire ou le serrurier. On ne sait pas quand cela va s’arrêter, mais c’est la faute à personne. Après, le principe de transversalité dont on nous rebat les oreilles, c’est la dilution de la responsabilité individuelle.

Comment se manifestait à l’égard de votre frère et de vous cette exigence ?
Elle se manifestait tout le temps, dans le mal et le bien. Par exemple, il m’apportait des livres et me demandait ce que j’en pensais. Ce que je disais ne devait pas être d’un très haut niveau intellectuel, mais il ne m’a jamais dit que c’était idiot. Au contraire, il me demandait pourquoi je pensais cela, insistait sur des points particuliers. Si l’on avait fait une connerie, il ne criait pas. Il nous demandait ce qu’on en pensait. Mon père disait toujours : « Ce qu’on ne peut pas changer, il faut juste en tenir compte mais pas se résigner ». Et quand il y avait un gros problème, il disait qu’il fallait « se faire une disposition pour ». Cela m’a aidée toute ma vie. Et Dieu sait que je n’ai pas eu une vie sur des roulements à billes. Mais j’ai pensé que ma vie, c’est ma vie, la seule que j’ai. Et que la seule liberté que j’ai, c’est de faire en sorte que j’accepte même l’inacceptable s’il est inéluctable. Sinon, l’on se perd. Or, qu’est ce qu’on peut donner aux autres si on s’est perdu ?

Autre aspect de la personnalité de votre père, il était plutôt spartiate, pas dispendieux.
Mon père avait vécu dans la nécessité, se demandant si on allait manger et s’il y aurait de l’argent pour le lendemain. Il avait une juste idée de comment on dépense son argent. Alors, élevée comme cela, c’est un peu compliqué pour moi d’accepter l’époque dans laquelle on vit. Aujourd’hui, on est tellement passé à la machine à laver de la publicité que les gens sont malheureux parce qu’ils ne consomment pas assez ou parce qu’il y a un retard dans le train. (Ici l’on évoque Pierre Rahbi qu’elle adore et ses réflexions sur « la sobriété heureuse »). 

Vous avez composé un livre, Albert Camus, solitaire et solidaire 1. Pourquoi ces deux termes ?  
Un jour, je lui demande : «Tu es triste ? » et il me répond : « Je suis seul ». C’était au moment de L’Homme révolté et j’ai compris beaucoup plus tard pourquoi, parce que lorsque vous avez neuf ans, vous ne savez pas 2. Je l’ai juste regardé en espérant qu’il ait compris. Car, pour moi, il n’était pas seul puisque j’étais là ! Mais évidemment que oui, il était seul ! Il y a des gens comme cela qui ont autour d’eux une espèce de cristal de solitude qui fait comme un sas entre le monde et eux. Et qui sont présents quand même. 

Doit-on voir dans cette solitude le fait que certains de ses écrits, dans leur souci des nuances humaines, juraient avec les logiques idéologiques d’une époque, celle de la Guerre froide, terriblement manichéiste ?
Oui ! Et c’est en cela qu’il était seul. D’autant qu’il n’avait pas derrière lui un parti, ou l’orchestre que beaucoup de gens prennent la précaution d’avoir avant de s’exprimer. Lui, il était seul, à côté de l’Homme. De tous les hommes. De tous ceux qui justement n’avaient pas la parole.

A propos du mot solidaire. Peut-on comprendre Camus à travers la métaphore de la passe en football ? Lui qui disait :« Tout ce que je sais de plus sûr à propos de la moralité et des obligations des hommes, c’est au football que je le dois » ?  Bien sûr. La passe, c’est la solidarité. Sans les autres, vous n’êtes rien. En 2008, d’ailleurs, Wally Rosell a écrit un truc génial pour les Rencontres méditerranéennes Albert Camus de Lourmarin : Eloge de la passe tiré de l’acte fondateur du football anarcho-camusien.


Quid des rapports d’Albert Camus avec les libertaires ?
J’ai souvent suggéré en haut lieu qu’on fasse quelque chose sur ce thème mais l’on m’a regardée en me faisant comprendre qu’on n’était pas sur la même fréquence d’ondes. Aussi ce thème fut abordé lors des Rencontres. A ce propos, j’avais dis à l’organisatrice, Andrée Fosty : « Je t’assure que c’est intéressant. Ceci dit, si les libertaires débarquent à Lourmarin je te souhaite du plaisir ». En fait, le seul remous qu’il y eut fut à propos du football. Wally Rosell, qui est le neveu de ce libertaire formidable, Maurice Joyeux, s’était mis à expliquer qu’il n’y avait pas de plus belle place dans une équipe que celle de demi-centre (rire)… 

Pour sa part, votre père avait été gardien de but du Racing Universitaire d’Alger ?
Et il paraît que c’était un bon ! A cet égard, étant donné que Marseille Provence 2013 fut un échec, j’ai proposé que Lourmarin-Provence-2013 organise le 15 juin un match en hommage au premier goal Prix Nobel de Littérature. Il y aura une équipe Camus contre l’IJSF (La jeunesse sportive de Lourmarin) et des chibanis. L’arbitre sera le facteur qui est un bon joueur de foot !

Vous gérez l’œuvre de votre père depuis 1980 mais n’avez jamais voulu être une gardienne du temple. Quelle est votre philosophie à l’égard de toutes les sollicitations qui vous parviennent ? 
Il n’y en a pas (rire). A partir du moment où l’esprit, l’éthique, de mon père sont respectés, j’accepte. Les demandes sont aussi variées que l’humanité. Et donc, à ceux qui s’adressent à moi, y compris les opportunistes pour lesquels papa fait plus tabouret qu’autre chose, je dis oui si c’est correctement fait. Après, j’ai une vision de l’oeuvre de Camus comme tous les lecteurs. Je ne détiens aucune vérité. 

Dans toutes ces propositions, je suppose qu’il y en a d’étonnantes ? 
Il y en a aussi de consternantes et j’ai d’ailleurs constitué un dossier de « curiosités » (rire). Mais il y a aussi des choses en bien. J’ai été très étonnée, par exemple, lorsque Abd al Malik souhaitait travailler sur la préface de L’Envers et l’endroit. L’oeuvre n’est pas très connue et la préface, très importante, l’est encore moins. Quand ce garçon formidable m’a envoyé ses textes je les ai trouvés en harmonie avec la préface. Et bien que n’ayant pas une passion pour le rap, lorsque je suis allée l’écouter, j’ai été fort séduite par son travail et j’ai eu le sentiment que mon père était à sa place. 

Vous avez achevé la publication du manuscrit Le Premier homme au bout de huit ans 3. Qu’avez-vous découvert à travers ce texte ? 
Ce qu’il y avait dans Le Premier homme, je le savais. Une chose a changé, c’est la vision de ma grand-mère maternelle qui se promenait quand même avec un nerf de bœuf. Je la détestais parce que papa s’y référait lorsque nous voulions quelque chose de superflu, nous expliquant qu’on avait un toit, à manger et des livres, ou lorsqu’il nous disait comment il enlevait ses chaussures pour pouvoir jouer au foot. Et puis, je me suis rendu compte qu’elle avait eu des méthodes un peu rudes mais qu’elle n’avait pas eu le choix.

Vous avez dit qu’en travaillant sur ce livre vous sentiez presque son écriture ?
Vous ne pouvez pas travailler longtemps sur un manuscrit de mon père au risque de partir sur une mauvaise piste. C’est comme un tricot. Vous sautez deux mailles, vous avez un trou dans le tricot ou montez une manche à l’envers. Il faut faire attention à chaque mot. Donc, j’y travaillais trois heures par jour. Mais c’est vrai que par moments j’avais l’impression que l’écriture ne passait pas par ma tête mais que je mettais le mot qu’il fallait. C’était juste parce que c’était du corps à corps avec le texte. C’est limite comme impression ! On sent que Montfavet n’est pas très loin (rire).

Comment était ce manuscrit ?
Très raturé. Il comportait beaucoup de rajouts, d’interrogations, que j’ai respectés. Pour certaines feuilles, c’était la place de l’Etoile. Avec le doigt, vous devez suivre la ligne pour voir si vous ne vous êtes pas trompé…
Parlant de votre lecture de La Chute lorsque vous aviez 17 ans, vous avez dit : « Je trouvais qu’il était innocent » ?
Ce livre est douloureux. Et lorsque je l’ai lu à cet âge-là, je me suis demandée : « mais il ne le savait pas qu’on est double ? » Mais lui, avait dû me l’apprendre. C’est en cela que je l’avais trouvé innocent. Mais c’est vrai que La Chute c’est aussi le déchirement de la perte de l’innocence…

Ceci dit, il y toujours en filigrane dans les écrits d’Albert Camus une innocence ?
Oui, au sens originel, ce qui ne nuit pas. Et en ce sens, je pense que les écrits de mon père tendent à aider les autres. Quand il dit : un artiste ne juge pas, il essaie de comprendre. Mais artiste ou pas, nous devrions tous faire cela. Certes, il y a des choses à ne pas accepter et on peut juger que quelqu’un qui va dénoncer un Juif durant la guerre est incompréhensible, mais en dehors de situation extrême, dans la vie courante, on peut essayer de comprendre sans toutefois admettre.

Vous le voyiez écrire ?
Oui, debout à son écritoire. Je pense que lorsqu’on a été très malade et qu’on a pensé mourir (Ndlr : Camus fut atteint de tuberculose), le lit est quelque chose de très anxiogène. Qu’on a besoin de remuer… 

Votre père était exigeant avec la langue française, au point, lors de son discours de réception du Prix Nobel de Littérature à Stockholm, de saluer Louis Germain, son instituteur. Il pensait que c’était une conquête pour lui ?
C’en était une ! Car enfant, il parlait le pataouète, le langage de la rue à Belcourt 4. C’est ce qui le sépare de la majeure partie des écrivains français de son époque qui étaient issus de milieux aisés.

Comment a-t-il vécu cette célébrité ?
Comme tout un artiste, il aimait être reconnu. Mais il était pudique et ne se prenait pas pour Pic de la Mirandole. Car vous perdez de l’humain dans la célébrité.

 

1) Albert Camus, solitaire et solidaire, Ed Michel Lafon. L’essentiel des œuvres d’Albert Camus est disponible chez Gallimard. 
(2) Paru en 1951, L’Homme révolté suscite une violente polémique avec les « Existentialistes » qui sera entretenue par la revue Les Temps modernes et qui entraîne la brouille définitive avec Sartre. Camus écrira : « C’est un livre qui a fait beaucoup de bruit mais qui m’a valu plus d’ennemis que d’amis (du moins les premiers ont crié plus fort que les derniers). (…) Parmi mes livres, c’est celui auquel je tiens le plus ».
(3) Un roman qu’écrivait Albert Camus au moment de son accident mortel. Une oeuvre aux accents autobiographiques qui évoque avec tendresse ses souvenirs d’enfance.
(4) Le parler des Français d’Algérie qui comporte beaucoup d’emprunts à l’arabe, à l’espagnol et à l’italien.

 

Une autre interview de sa fille Catherine, réalisé en 2009, est disponible en ligne ici.

 

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La maison d'Albert Camus avec la terrasse à colonnes

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Promenade dans Lourmarin

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La rue Albert Camus avec sa maison

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En direction du cimetière

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Laurent Jaoui a réalisé un très beau téléfilm qui retrace les dix dernières années de la vie d'Albert Camus :

Comment, dans une fiction, parler d'un écrivain emblématique sans être ennuyeux ni dogmatique, et encore moins servir une biographie en forme de pudding indigeste où les auteurs auraient voulu caser tous les éléments d'une vie ? Un pari difficile. Mais gagné haut la main dans ce Camus proposé par le réalisateur Laurent Jaoui, coauteur du scénario avec ­Philippe Madral.

"Je voulais trouver un angle et intéresser tous les téléspectateurs, même ceux qui ne connaissent pas l'écrivain" - et d'accepter : "J'ai beaucoup lu et vraiment découvert ­Camus à travers le livre ­d'Olivier Todd, Albert Camus, une vie, dont nous nous sommes inspiré pour notre scénario." Laurent Jaoui a donc choisi d'évoquer un Camus intime, avec ses doutes, ses faiblesses, ses ­égoïsmes, notamment à travers les femmes qui ont compté dans sa vie : sa mère, sa femme, ­Francine, dépressive, et ses maîtresses, notamment Maria Casarès. Un homme séducteur, orgueilleux, fier, incompris, doutant, souffrant aussi et fidèle à ses convictions.

Vous pouvez le visionner en ligne (5 épisodes) ici.

 

Merci à Gilles Sabatier et son blog Le blog de Gilles pour ses photographies.

Merci à Denis Lecomte et son blog Au bonheur de lire pour ses photographies.

 

 Procurez vous des ouvrages d'Albert Camus

 

 LOCALISATION DE LA MAISON  :

 

23 septembre 2013

Hugo, Dumas, Sand, Shakespeare, Neruda, Kipling,

 

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Hugo, Dumas, Sand, Shakespeare, Neruda, Kipling, Colette .... quel est le point commun entre ces écrivains ? La maison, voire les maisons, où ils passèrent leur vie.

Même les voyageurs impénitents tels que Stevenson ou Hemingway accostèrent un jour et façonnèrent une demeure à leur goût ; les plus sédentaires ont pu vivre un temps reclus, se consacrant à leur œuvre ; d’autres l’édifièrent à la ressemblance de leur univers. "J'ai construit ma maison comme un jouet et j'y joue du matin au soir", disait Pablo Neruda.

À l’image de leurs singuliers habitants, ces maisons vous feront parcourir les cinq continents, de la fameuse Hauteville House de Hugo à la tour fortifiée de Yeats, de l’étonnante architecture de la Casa Malaparte aux paisibles étendues du Mont Noir de Yourcenar, des folies de Loti à l’austérité d'Auguste Comte.

 

Que ces maisons aient été préservées en l’état, devenues musée ou menacées de disparition, entretenues par des particuliers, associations ou collectivités, tous animés par la même passion, ce blog vous invite, par un voyage dans le temps et l’espace, à pénétrer dans l’intimité de ces grands auteurs.

 

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Il y a parfois plus de vérité dans le désordre foisonnant d’une bibliothèque que dans les biographies sagement fondées sur les faits. "Tout passe et tout demeure", écrit Antonio Machado.

Pour certains, leur trace fugitive n’apparaîtra que peu, ils les auront habitées sans que leur empreinte demeure. D’autres en revanche diront leur histoire, si bien imprégnées de l’esprit de qui y demeura qu’on pourrait lire dans chaque pièce sa présence, au détour d’une porte saisir encore le bruit d’une plume courrant sur un feuillet et croire, en levant la tête par la croisée des fenêtres, qu’on contemple les mêmes roses qu’apercevait Jane Austen en composant Raison et Sentiments.

 

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"La maison, plus encore que le paysage, est un état d'âme" (Gaston Bachelard).

 

Lieu de pèlerinage ou lieu culturel ?

A vous, visiteur, de choisir…

Ce blog n’a aucune prétention didactique. Il se veut flânerie dans les jardins où ces écrivains se sont promenés, songeant à la trame de leurs futurs romans, et dans ces maisons qui ont abrité leurs ébauches ; balade intemporelle bercée par le souvenir de Montaigne, en résonance avec  Georges Perros.

L’humble lecteur s’attardera et abordera un auteur autrement que par ses ouvrages– puisse-t-il, de ce voyage innocent, en tirer le désir de lire encore.

Pour l’érudit passionné, il trouvera peut-être dans ces photos de mondes disparus une meilleure compréhension de l’œuvre de ses auteurs préférés.

Et pour l’auteur de ce blog, il est une claire fenêtre donnant sur de si beaux jardins.

 

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17 juin 2013

George Sand à Gargilesse

  Biographie de George Sand

 

 

1844 Jun

"Le temps n'endort pas les grandes douleurs, mais il les assoupit".

 

Aurore Dupin naît à Paris, au n°15 de la rue Meslay, le 1er juillet 1804. Son père, aide de camp du prince Murat, accompagne celui-ci lors de l’expédition d’Espagne. Au mois d’avril 1808, Sophie Delaborde, sa femme, et sa fille le rejoignent à Madrid. Dès l'été suivant, la famille Dupin est de retour en France, dans la propriété familiale de Nohant appartenant à Mme Dupin mère, fille naturelle du maréchal Maurice de Saxe, et donc née Marie-Aurore de Saxe. Le 16 septembre de la même année, Maurice Dupin fait une chute de cheval mortelle. L’enfant est alors confiée à sa grand-mère, qui s'en voit attribuée officiellement la tutelle par sa belle-fillle le 28 janvier 1809. Elle grandira donc dans l’Indre, effectuant néanmoins quelques séjours auprès de sa mère dans la capitale parisienne.

Confiée d'abord aux bons soins d'un précepteur, Deschartres, le 18 janvier 1818, Aurore entre comme pensionnaire au couvent des Augustines anglaises, rue des Fossé-Saint-Jacques à Paris. Elle quitte l’institution le 12 avril 1820, non sans avoir connu l’été précédent une véritable crise mystique. Avec le décès de sa grand-mère, le 26 décembre 1821, se pose de nouveau le problème de la tutelle de la jeune fille, partagée entre sa mère et une tierce personne choisie par Mme Dupin. Afin de s’éloigner de ces intrigues, Aurore séjourne au printemps 1822 chez des amis de son père, les Roettiers du Plessis, au Plessis-Picard, près de Melun. Elle fait alors la rencontre de François-Casimir Dudevant, saint-cyrien et licencié en droit, fils de notable et bon parti, qu’elle épouse le 17 septembre suivant.

Cette union est un échec sentimental, malgré la naissance de deux enfants, Maurice venu au monde le 30 juin 1823 puis Solange, quelques années plus tard, le 13 septembre 1828. Celle-ci d’ailleurs est peut être la fille de Stéphane Ajasson de Grandsagne, un jeune nobliau des environs, collaborateur du baron Cuvier au Museum d'Histoire naturelle, avec lequel Aurore a eu une liaison de quelques mois. Le 30 juillet 1830, la jeune femme fait également la connaissance de Jules Sandeau, âgé à l'époque de dix-neuf ans, lors d’une réception chez des amis, les Duvernet, au château voisin de Coudray. Celui-ci devient rapidement son amant. Aurore obtient l’accord de son mari de partager désormais son temps entre Nohant et Paris, celui-ci acceptant également de lui verser une rente de 1.500 Francs. Elle retrouve alors Jules Sandeau, qui fait son droit dans la capitale, l’année suivante.

Ensemble, ils logent dans un appartement, 31 rue de Seine-Saint-Germain, avant de s'installer au 25 quai Saint-Michel. Sandeau a des ambitions littéraires qu’il fait partager à sa maîtresse. Les deux amants publient un premier roman, "Le Commissionnaire", écrit de concert, qui paraît le 24 septembre 1830, puis "Rose et Blanche" au mois de décembre suivant. Cette dernière œuvre est d’ailleurs signée Jules Sand. L’année suivante, Aurore Dudevant rédige seule "Indiana", un roman d'amour contant l'histoire d'une jeune fille mal mariée, qui paraît le 18 mai sous le pseudonyme de G. Sand. Malgré l'épidémie de choléra qui sévit à Paris et occupe les esprits, celui-ci connaît un vif succès. Au mois de novembre 1831, "Valentine", premier roman berrichon, portera pour nom d’auteur George Sand. Celle-ci entame une collaboration avec La Revue des Deux-Mondes, pour laquelle elle s'engage à rédiger une chronique. Le 29 mai 1836, dans ces pages très courues, elle dénonce ainsi le silence qui règne sous les toits, les affres de la vie conjugale. L'écrivain se lie aussi avec des personnalités du monde des lettres et des arts : le critique Sainte-Beuve, l'actrice Marie Dorval...

Elle fait la rencontre d’Alfred de Musset en juin 1833, lors d'un dîner qui réunit les collaborateurs de La Revue. Quelques semaines plus tard, le poète devient son amant. Ensemble, ils partent, le 12 décembre suivant, avec la malle-poste pour un voyage romantique à destination de l’Italie. En compagnie de Stendhal,qui rejoint Civitavecchia et son poste de consul, Sand et Musset descendent la vallée du Rhône en bateau avant de s’installer, le 1er janvier 1834, à l’Hôtel Albergo Reale Danieli à Venise. Musset tombe alors gravement malade. Au mois de juillet, Georges Sand quitte enfin Venise après un séjour idyllique et passionné, assombri cependant par les tromperies réciproques. La fin de l’année est d’ailleurs faite de ruptures et de réconciliations entre Alfred de Musset et George Sand. Celle-ci entretient une liaison avec un autre amant, le médecin italien Pagello qui avait soigné l’écrivain pour sa dysenterie dans la cité vénitienne. La séparation est à présent rendue inévitable.

Au cours de ces quelques mois de passion amoureuse, George Sand multiplie les publications : "Lélia", le 18 juillet 1833 ; "Le Secrétaire intime", le 19 mars 1834 et enfin "Jacques" le 20 septembre de la même année. L'écrivain, qui trouve avec la vente de ses livres, une indispensable indépendance financière, met en scène l'amour, s'interrogeant au passage sur l'utilité du mariage. Elle est de retour à Nohant, seule, le 19 août 1834. C’est alors que survient un événement d’importance dans sa vie de femme : Aurore Dupin obtient la séparation d’avec son mari, prononcée par le tribunal de La Châtre, le 16 février 1836. Toujours avide de voyages, de paysages et de rencontres, George Sand passe ensuite le reste de l’année en villégiature en Suisse, en compagnie du compositeur Franz Liszt et de Marie d’Agoult. Paraît bientôt un nouveau roman intitulé "Simon", suivi de "Mauprat" en 1837.

Au mois de juin 1838, débutent de nouvelles amours, avec Frédéric Chopin. Ensemble, ils effectuent à partir du mois d’octobre suivant un long séjour aux îles Baléares. De retour à Nohant, les deux amants organisent leur existence entre Paris et la province, leur vie de couple en compagnie des enfants de George Sand. Celle-ci poursuit son travail de plume. Paraît "Le Compagnon du Tour de France", le 12 décembre 1840, un récit issu de l'amitié qui lie à présent Sand à Agricol Perdiguier, dit Avignonnais la Vertu, chantre du bel ouvrage. Suivront "Pauline" en 1841, puis "Consuelo" au mois de février 1842. Viennent ensuite "Le Meunier d’Angibault" en 1845 et enfin "La Mare au diable", le 6 février de l’année suivante. Solange, sa fille, se marie au sculpteur Auguste Clesinger, le 19 mai 1847. Tandis que George Sand adresse le 28 juillet suivant à Frédéric Chopin une lettre se terminant par ces mots : " Adieu mon ami ".

Par le passé, inspiré par ses relations avec les penseurs socialistes, Leroux, Cabet..., Georges Sand s'était essayée au journalisme, en fondant La Revue indépendante, ainsi que L'Éclaireur de l'Indre. Le 1er mars1848, l'écrivain est maintenant à Paris, prenant fait et cause pour la Seconde République, aux côtés de son ami Louis Blanc, d’Alexandre Ledru-Rollin alors membre du Gouvernement provisoire. Après avoir créé un journal, La Cause du Peuple, elle participe à la rédaction des Bulletins de la République et publie également plusieurs pamphlets : "Aux Riches", "Histoire de France écrite sous la dictée de Blaise Bonnin"... Cependant le tour conservateur pris par le nouveau régime déçoit George Sand. Avec l’échec de la manifestation du 15 mai 1848 et les Journées de Juin, celle-ci est bientôt de retour à Nohant, quittant définitivement la scène politique.

L'écrivain est très affectée par la disparition de l'actrice Marie Dorval, puis de celle de son ancien amant Frédéric Chopin. Elle se consacre l’année suivante à la création du Petit Théâtre de Nohant, installé dans la chambre des Marionnettes de la propriété familiale. Celui-ci est inauguré au mois de décembre. Vient également la publication de "François le Champi" au mois de décembre 1847de "La Petite Fadette" le 1er décembre 1848. En 1850, commence sa liaison avec le graveur Alexandre Manceau, un ami de son fils, devenu son secrétaire. Alors que le ménage Clésinger se sépare en 1854, leur fille Jeanne décède l’année suivante. George Sand est de nouveau envahie par la tristesse. Elle se décide à partir pour un voyage en Italie, le 28 février 1855, désirant prendre le large de cette atmosphère pesante qui était devenu son lot quotidien.

Dans les années qui suivent, l’œuvre de George Sand va de nouveau changer d’aspect. Après s'être intéressée aux relations amoureuses, délaissant désormais les romans champêtres, avec "La Daniella", publié au mois de janvier 1857, elle s’inspire de ses souvenirs italiens. L’écrivain poursuit également la rédaction de ses "Histoires de ma vie" commencées en 1854. Paraît ensuite, à partir du 1er octobre 1857, un grand roman de cape et d’épée intitulé "Ces Beaux messieurs de Bois-Doré" mais aussi "Elle et lui", du 15 janvier au 1er mars 1859 dans La Revue des Deux-Mondes. Cette dernière œuvre est un hommage à l’amour passionné qui l’avait saisi au temps de sa liaison avec Alfred de Musset, récemment disparu. George Sand se consacre également à la publication de pièces de théâtre.

L’écrivain effectue quelques voyages en province au cours de ces années. Un séjour en Auvergne lui inspire "Jean de la Roche" en 1859 puis "Le Marquis de Villemer", une aimable idylle mondaine publiée le 15 juillet de 1860. C’est alors que pendant l’automne 1860, George Sand est atteinte d’une grave crise de maladie. Aussi passe t-elle quelques temps à Tamaris, près de Toulon, au printemps 1861. C’est d’ailleurs le titre d’un roman provençal publié peu après. Vient ensuite "Mademoiselle La Quintinie", une œuvre violemment anticléricale rédigée en 1863, qui suscite des réactions passionnées dans l’opinion. L’année suivante, l’écrivain et son compagnon Alexandre Manceau décident de s’installer à Palaiseau.

Le 18 février 1865, paraît une deuxième œuvre inspirée du cadre provençal, "La Confession d’une jeune fille". George Sand effectue ensuite un séjour à Croisset auprès de Gustave Flaubert avec lequel elle entretient une correspondance depuis le mois de janvier 1863. L’écrivain, qui autrefois avait apporté son aide aux proscrits du 2 décembre, participe d’ailleurs en sa compagnie aux "dîners Magny", retrouvant à la table du restaurant parisien quelques-unes des grandes plumes de l’époque : Ernest Renan, Charles Augustin Sainte-Beuve et les frères Jules et Edmond de Goncourt. Se succèdent ensuite de nouveaux textes parmi lesquels des "Contes d’une grand-mère" qu'elle destine à ses petites filles, le premier volume paraissant le 15 novembre 1873.

George Sand décède le 8 juin 1876 à Nohant d’une occlusion intestinale jugée inopérable. Le 10 juin suivant, ont lieu ses obsèques en présence de son ami Flaubert, d’Alexandre Dumas fils et du Prince Napoléon venus de Paris. L’écrivain, auteur de plus de quatre-vingt dix romans, est inhumé dans la propriété familiale.

 

 

La Villa Algira à Gargilesse 

 

1845 Jun

 

 

En dehors de Nohant, bien d'autres lieux du Berry conservent le souvenir des séjours, des promenades ou des sources d'inspiration de George Sand. 

A cinquante kilomètres de Nohant, au bord de la rivière Gargilesse, cette grande voyageuse redécouvre un jour de 1857 le petit village du même nom qu’elle avait déjà traversé plusieurs années auparavant avec Frédéric Chopin.  Nous sommes en juin 1857, en plein Second Empire. George Sand a cinquante-trois ans, est célèbre depuis vingt-cinq ans, possède toujours ses beaux yeux noirs et son mètre cinquante-quatre. Elle est accompagnée par son amant Alexandre Manceau, ex-ami de son fils Maurice et graveur de son état, et de Depuizet, entomologiste renommé. La chasse aux papillons les a attirés dans cette vallée.

Comme elle le raconte dans "Carnets de Voyage à Gargilesse", ils pensent n’y être que de passage mais le charme du lieu et de l’auberge Malesset en particulier (devenue depuis l’hôtel des Artistes) les y retiennent quelques jours… qui deviendront quelques années. Les propriétaires du château du village sont bien des amis de la grand-mère de l’écrivain, mais l’auberge possède un avantage crucial sur le château : la propreté.

Alexandre Manceau achète en juillet un petit deux-pièces (qu'il agrandira) encastré dans une autre maison et qui empruntera son nom à celui d’un papillon rare qu’ils découvrent cet été-là : Algira. George Sand rêvera d’acheter une autre maison dans le village, mais ses habitants, s’il ont peu de biens, sont le plus souvent propriétaires de leur demeure, et peu sont à vendre. Manceau lui offrira la villa Algira.

Il faut à l’époque cinq heures pour accéder à Gargilesse depuis Nohant, situé à 50 kilomètres. Les étés y sont souvent d’une chaleur insoutenable. Comparée à la douzaine de pièces de la maison de Nohant, la villa Algira est inconfortable. Mais elle est calme et n’est pas agitée par les distractions et parfois les disputes familiales qui peuplent l’atmosphère de Nohant. Et l’inconfort n’empêche pas Sand d’écrire, au contraire peut-être (à Nohant, c’est sur le bureau-placard de son boudoir qu’elle a écrit "Indiana" en 1832).

"Il faut arriver là au soleil couchant : chaque chose a son heure pour être belle", écrit-elle dans "Promenades autour d'un village". Fuyant parfois Nohant pour chercher la solitude, elle y fit plusieurs séjours, tous assez courts et, dans les intervalles de ses promenades y travailla à : "Les beaux messieurs de Bois-Doré" (1857), "L'homme de neige" (1858). On trouve le village et ses environs décrits dans "Le péché de Monsieur Antoine", avec l'usine de M. Cardonnet sur le bord de la Gargilesse.

Le décès d’Alexandre Manceau, survenu le 21 août 1865, va mettre un terme aux séjours de George Sand à Gargilesse. C’est son fils, Maurice Sand, qui héritera de la maison. Il la revendra, deux ans après la mort de sa mère, en 1878.

Pendant 80 ans, la maison va connaître plusieurs propriétaires, au gré des ventes et des successions. Elle va être agrandie et sensiblement modifiée. Mais en 1958, Aurore Sand, petite-fille de George Sand, s’intéresse à son tour à la villa Algira. La commune de Gargilesse fait alors l’acquisition de la maison et Aurore Sand en devient locataire, non pour l’habiter, mais pour en faire un musée en souvenir de George Sand. Aujourd’hui, la villa Algira a su garder l’authenticité souhaitée par Aurore Sand, et le charme désuet connu par George Sand. Elle est gérée par madame Christiane Sand, belle-fille d’Aurore Sand et héritière morale de George Sand.

Des visites guidées sont proposées, du 1er avril au 30 septembre, de 9 h 30 à midi et de 14 h 30 à 18 h 30 (fermeture le mardi).

 

 Merci à "Terres d'écrivains" et au musée "Villa Algira".

 

 

Gargilesse est un nid bâti au fond d'un entonnoir de collines rocheuses où se sont glissées des zones de terre végétale. Au-dessus de ces collines s'étend un second amphithéâtre plus élevé. Ainsi de toutes parts le vent se brise au-dessus de la vallée, et de faibles souffles ne pénètrent au fond de la gorge que pour lui donner la fraîcheur nécessaire à la vie. Vingt sources courant dans les plis du rocher ou surgissant dans les enclos herbus entretiennent la beauté de la végétation environnante. La population est de six à sept cents âmes. Les maisons se groupent autour de l'église, plantée sur le rocher central, et s'en vont en pente, par des ruelles étroites, jusque vers le lit d'un délicieux petit torrent dont, à peu de distance, les eaux se perdent encore plus bas dans la Creuse. […]

Le château moderne, bâti au siècle dernier dans un style quasi monastique, soutient le chevet de l'église. L'ancienne porte, flanquée de deux tours, espacée d'une ogive au-dessus de laquelle se dessinent les coulisses destinées à la herse, sert encore d'entrée au manoir. Le pied des fortifications plonge à pic dans le torrent. Nul château n'a une situation plus étrangement mystérieuse et romantique. Un seul grand arbre ombrage la petite place du bourg, qui d'un côté domine le précipice, et de l'autre se pare naturellement d'un énorme bloc isolé, d'une forme et d'une couleur excellentes. Arbre, place, ravin, herse, église, château et rocher, tout cela se tient et forme, au centre du bourg, un tableau charmant et singulier qui ne ressemble qu'à lui-même. Le châtelain actuel est un solide vieillard de quatre-vingts ans, qui s'en va encore tout seul, à pied, par une chaleur torride, à travers les sentiers escarpés de ses vastes domaines. Riche de cinquante mille livres de rente, dit-on, il n'a jamais rien restauré que je sache; mais il n'a jamais rien détruit; sachons-lui-en gré. Les pans écroulés de ses vieilles murailles sombres dentellent son rocher dans un désordre pittoresque, et les longs épis historiés de ses girouettes tordues et penchées sur ses tours d'entrée ne peuvent être taxés d'imitation et de charlatanisme. […]

Toutes les maisons de Gargilesse sont construites sur le même plan. Le rez-de-chaussée, avec une porte à cintre surbaissé, ou à linteau droit, formé d'une seule pierre gravée en arc à contrecourbe, n'est qu'un cellier dont l'entrée s'enfonce sous le balcon du premier étage, quelquefois entre deux escaliers de sept à huit marches assez larges, descendant de face. Au premier, une ou deux chambres; au-dessus, un grenier dont la mansarde en bois ne manque pas de caractère. Beaucoup de ces maisons paraissent dater du XIVe ou du XVe siècle. Elles ont des murs épais de trois ou quatre pieds et d'étroites fenêtres à embrasures profondes, avec un banc de pierre posé en biais. On a presque partout remplacé le manteau des antiques cheminées par des cadres de bois; mais les traces de leurs grandes ouvertures se voient encore dans la muraille. Les chambres de ces vieilles maisons rustiques sont mal éclairées, d'autant plus qu'elles sont très spacieuses. Le plafond, à solives nues, est parfois séparé en deux par une poutre transversale et s'inclinant en forme de toit, des deux côtés. Le pavé est en dalles brutes, inégales et raboteuses. L'ameublement se compose toujours de grands lits à dossier élevé, à couverture d'indienne piquée, et à rideaux de serge verte ou jaune sortant d'un lambrequin découpé, de hautes armoires très belles, de tables massives et de chaises de paille. Le coucou y fait entendre son bruit monotone, et les accessoires encombrent les solives: partout le filet de pêche et le fusil de chasse. 

Il y a, dans ce village, des constructions plus modernes, des maisonnettes neuves et blanches, crépies à l'extérieur, et dont les entourages, comme ceux du château, sont en brique rouge. 
Grâce à leurs petits perrons et aux vignes feuillues qui s'y enlacent, elles ne sont pas trop disparates à côté des constructions primitives qui montrent leurs flancs de pierres sèches d'un brun roux, leurs toits de vieilles tuiles toutes pareilles de ton et de forme à cette pierre plate du pays, et leurs antiques encadrements de granit à pans coupés. La couleur générale est sombre mais hannonieuse, et les grands noyers environnants jettent encore leur ombre à côté de celle des ruines de la forteresse.

George Sand. Promenade autour d'un village.

 

 

 

1846 Jun

1847 Jun

1848 Jun

1849 Jun

1850 Jun

1851 Jun

1856 Jun

1852 Jun

1853 Jun

1854 Jun

1855 Jun

1857 Jun

1858 Jun

1859 Jun

1860 Jun

1861 Jun

1862 Jun

1863 Jun

 

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LOCALISATION DE LA MAISON :

 

17 juin 2013

Bertolt Brecht à Berlin

 

Biographie de Bertolt Brecht

 

 

1843 Jun

 

 

"Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu".

 

Bertolt Brecht (de son vrai nom Eugen Berthold Friedrich Brecht) est né le 10 février 1898 à Augsbourg en Bavière. D'origine bourgeoise, fils d'un père catholique, dirigeant d'une fabrique de papier, et d'une mère protestante. Il commence à écrire très tôt (son premier texte est publié en 1914) et entame des études de philosophie, puis de médecine à Munich. En 1918, à vingt ans, il est mobilisé à la fin de la Première Guerre mondiale comme infirmier. L'horreur de la guerre aura comme pour les surréalistes français, une grosse influence sur lui. La même année, il écrit sa première pièce, "Baal", dans un style lyrique qu'il délaissera par la suite. Il chante des écrits pacifistes à Augsbourg, puis à Munich et rompt les liens qui l'attachaient encore à sa famille.

 

Suivent les pièces "Tambours dans la nuit" en 1919 qui lui vaut le prix Kleist et en 1922, "Spartacus" et "Dans la jungle des villes". On découvre dans ses premières œuvres, telle que "Baal", des traits de caractère anarchiste. Il est alors très influencé par Erwin Piscator ou Max Reinhardt. Il est engagé comme conseiller littéraire en 1923 à Munich, puis, à Berlin en 1924, il rejoint le Deutsches Theater de Max Reinhardt, avec l'actrice Hélène Wiegel, qui monte ses pièces. La même année Elisabeth Hauptmann devient sa maîtresse et sa collaboratrice. Viennent ensuite "Homme pour homme" (1927) et "Grandeur et décadence de la ville de Mahagony". Ces pièces provoquent une polémique, jusqu'en 1928 où il crée "L'Opéra de quat'sous" (musique de Kurt Weill), un des plus grands succès théâtraux de la république de Weimar , grâce à un malentendu, lui assure le succès.

À partir de 1930, les nationaux socialistes commencent à interrompre avec véhémence les représentations des pièces de Brecht. Brecht épouse Hélène Wiegel  et devient marxiste. L'arrivée au pouvoir des nazis les force à quitter l'Allemagne en février 1933, après que leur domicile fut perquisitionné. L'œuvre de Brecht est interdite et brûlée lors de l'autodafé du 10 mai de cette même année. Il parcourt l'Europe, et en juin 1933 il s'installe au Danemark (à Svendborg à partir d'août 1933). Il écrit et rencontre des amis, dont  Hanns Eisler, Karl Korsch et Walter Benjamin.

En 1935, le régime nazi le déchoit de sa nationalité allemande. Il participe la même année au Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, à Paris, et dirige conjointement avec Lion Feuchtwanger et Willi Bredel, la rédaction d'une revue intitulée Das Wort dont le premier numéro paraît en 1936. Le but avoué de cette revue est d'unir l'intelligentsia antifasciste d'Allemagne autour d'un idéal prôné par l'Internationales communiste. Forcé à la fuite en 1939, il s'installe en Suède, puis en Finlande, puis, après une traversée en bateau au départ de Vladivostok, il s'installe en Californie en 1941. Durant cette période, il écrit une grande partie de son œuvre dont "La vie de Galilée",  "Mère Courage et ses enfants", "La Bonne Ame du Se-Tchouan", 'La Resistible Ascension d'Arturo Ui" (attaque contre Hitler), "Le Cercle de craie caucasien" et "Petit Organon pour le théâtre", dans laquelle il exprime sa théorie du théâtre épique et de la distanciation. Parallèlement, il travaille à Hollywood, ce qui le conduit notamment à l'écriture du scénario du film antinazi Les bourreaux meurent aussi (Hangmen Also Die), qui sera réalisé par Fritz Lang en 1943.

Chassé des Etats-Unis en 1947 en raison du maccarthysme, il se rend alors en Suisse. Les Alliés lui refusant le visa qui lui aurait permis de s’installer en RFA, c'est grâce aux Tchèques qu'il peut rejoindre la RDA. En 1949, il s'installe définitivement à Berlin-Est et fonde avec sa femme le Berliner Ensemble où il exprime ses prises de position socialistes. Il reprend et précise le théâtre épique fondé par Piscator qu'il oriente autour de l'effet de distanciation (Verfremdungseffekt) et qui s'oppose à la tradition d'un théâtre dramatique d'identificationSon théâtre n'étant pas assez conforme aux dogmes du réalisme socialiste, les autorités de la RDA se méfiaient beaucoup de lui. Les communistes lui reprochaient d'être trop "formaliste", trop "cosmopolite" et trop "pacifiste". Ses pièces péchaient par l'absence de héros ouvriers positifs. De plus, il ne fut jamais membre du Parti socialiste unifié d'Allemagne, le parti unique. En 1950 il obtient la nationalité autrichienne (il était apatride depuis 1935).

Quand le 17 juin 1953 les ouvriers en RDA en vinrent à protester en masse à Berlin (contre la médiocrité de leur niveau de vie, la majoration massive des objectifs de travail et le mauvais fonctionnement des infrastructures, et plus globalement contre le régime), Brecht s'empressa le même jour de faire parvenir à Walter Ulbricht une lettre où il exprimait sa "solidarité avec le Parti socialiste unifié d'Allemagne " ; il ajouta tout de même qu'il attendait "qu'on discutât avec les masses sur la vitesse avec laquelle il fallait construire le socialisme". Le même jour il adressa d'autres messages brefs de solidarité à Vladimir Semionovitsch Semionov (l'amitié indestructible avec l'Union Soviétique) et à Otto Grotewohl ainsi qu'à Gustav Just, proposant également d'apporter sa contribution au programme radiophonique actuel.

En même temps, dans un texte dactylographié non publié, Brecht analysait ainsi la situation :

 

" Les manifestations du 17 juin ont montré le mécontentement d'une partie considérable des ouvriers de Berlin à la suite d'une série de mesures économiques manquées. Des éléments fascistes organisés ont essayé d'abuser de ce mécontentement pour arriver à leurs fins meurtrières. Pendant plusieurs heures Berlin s'est trouvé au bord d'une troisième guerre mondiale. Seule l'intervention rapide et décisive des troupes soviétiques a permis de déjouer cette tentative. Il allait de soi que cette intervention des troupes soviétiques n'était nullement dirigée contre les manifestations ouvrières. Elle visait exclusivement ceux qui essayaient d'allumer dans le monde un nouvel incendie. Il appartient maintenant, à chacun de son côté, d'aider le gouvernement à éliminer les erreurs qui sont à l'origine du mécontentement et qui mettent gravement en péril nos importants acquis sociaux, qui sont indubitables."

 

Brecht voyait la cause des grèves dans la tentative du gouvernement "d'accroître la production en augmentant les normes de rendement sans contrepartie appropriée". On a instrumentalisé les artistes pour en faire des propagandistes de ce projet : "On a accordé aux artistes un niveau de vie élevé et aux ouvriers on l'a seulement promis". Brecht voyait comme solution alternative un changement réel de la sphère de production.

Brecht concluait sa lettre à Ulbricht par un message de solidarité envers le parti, dans lequel certains biographes voient une simple formule de politesse. Cependant, c'est seulement ce message de solidarité que le gouvernement publia dans le Neues Deutschland du 21 juin 1953, contre son gré, ce qui discrédita Brecht. Il essaya de rectifier l'impression qu'avait donnée la partie publiée de sa lettre. Dans un texte titré "Urgence d'un grand débat", il prit position à côté d'autres auteurs dans le Neues Deutschland du 23 juin 1953. Après avoir proclamé son orthodoxie dans une introduction où il dénonçait l'abus des manifestations "à des fins bellicistes", il réclamait une nouvelle fois une "grande discussion" avec les ouvriers, "qui ont fait savoir un mécontentement légitime". En octobre 1953, Brecht communiqua aux journalistes de RFA la lettre complète envoyée à Walter Ulbricht, et y fit publier "Urgence d'un grand débat".

Par ailleurs, il écrivit un poème, "La Solution", qui disait : "J'apprends que le gouvernement estime que le peuple a trahi la confiance du régime et devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités. Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d'en élire un autre ?".

À l'époque, c'était pour Brecht l'écroulement de tout un monde. Le coup l'avait bouleversé. Des témoins oculaires nous rapportent qu'à ce moment, ils l'auraient vu vraiment désemparé ; longtemps, il porta sur lui une copie de la lettre fatale et il la montrait à des amis et à des connaissances pour essayer de se justifier. Mais il était trop tard. Brutalement les théâtres de l'Allemagne de l'Ouest, les plus fidèles qu'il avait à côté de ses propres théâtres – retirèrent ses pièces des répertoires, et il fallut longtemps jusqu'à ce que ce boycott se relâchât.

Devenu une figure quasi-officielle du régime de la RDA, il obtient le prix Staline international pour la paix en 1955. 

En 1956 Bertolt Brecht meurt d’une thrombose coronarienne à Berlin-Est. Il existe une hypothèse de poids selon laquelle il aurait reçut un traitement médical délibérément mortel pour son affection, fait dans lequel aurait put être impliqué la Stasi.

Son style a toujours été lié à des motivations politico-historiques mais sans oublier l’importance de l’esthétique. Le théâtre épique qu’il proposait et créait avait comme objectif de réveiller la conscience autant du public que des acteurs pour qu’ils pensent et réagissent. Il soutenait toujours que le théâtre pouvait changer le monde. Il rejetait le romanticisme et le sentimentalisme car il ne voulait pas de larmes gratuites et il pensait que la vie était déjà suffisamment tragique.

De lui il nous reste aussi beaucoup de citations pour l’histoire qui continuent d’être utilisées pour réveiller les consciences, comme celle-ci : "Il y a des hommes qui luttent un jour et ils sont bons, d’autres luttent un an et ils sont meilleurs, il y a ceux qui luttent pendant de nombreuses années et ils sont très bons, mais il y a ceux qui luttent toute leur vie et ceux-là sont les indispensables".

 

 

Le Berlin de Brecht

 

Une pierre dressée pour lui, une pierre ronde pour elle, devant un parterre d'arbustes rampants. Bertolt Brecht (1898-1956) et son épouse Helene Weigel (1900-1971) sont enterrés au cimetière Dorotheenstadt de Berlin. Le dramaturge voulait une tombe "où tous les chiens auraient envie de pisser".

 

Du cimetière à la dernière maison habitée par le poète, de 1953 à sa mort, il n'y a que quelques pas (Chausseestrasse 125). Brecht écrit en 1954 qu'il habite désormais près des tombes des philosophes Hegel et Fichte: "Mes fenêtres donnent toutes sur le parc du cimetière. Il n'est pas sans gaîté". Cet appartement montre surtout un résumé saisissant du méli-mélo d'influences qui ont irrigué son oeuvre. Sur son pupitre, deux daguerréotypes de Marx et Engels. Accrochées à un mur, les figures de Marie et Joseph (Brecht a recommandé la Bible pour la puissance de ses images). Affiché sur un autre, une tête de Confucius. Des étagères de romans policiers, rapportés des années d'exil aux Etats-Unis tandis que les nazis avaient pris possession de Berlin.

Dans la cave, un restaurant propose une approche gustative de Brecht: les petits plats que Helene Weigel lui cuisinait. Actrice, intendante du théâtre de son mari, mais aussi femme d'intérieur, elle a laissé un livre de notes, renfermant une centaine de variations sur la cuisine de son pays, l'Autriche. Steffen Menzel, le patron depuis 1990, sert les "essais" d'Helene Weigel sur un lit d'anecdotes. "Brecht était plutôt porté sur les sucreries. Pour lui faire manger de la viande, Helene Weigel avait imaginé d'accompagner le boeuf bouilli d'une sauce à l'abricot".

De la maison du poète au théâtre le plus lié à son nom, le Theater am Schiffbauerdamm, il n'y a guère que dix minutes à pied, en traversant le quartier de Mitte, en pleine rénovation. Dans cet ancien théâtre de variété, Brecht fit en 1928 la première représentation de "l'Opéra de quat'sous" et son premier triomphe. Avec ses débordements de dorures, ses angelots, ses cariatides aux seins gonflés, aucune salle ne pouvait opposer un contraste plus marqué avec les miséreux mis en scène par Brecht, son théâtre clair et rigoureux. Le poète aimait cette distance entre la scène et le public. Après-guerre, lorsqu'il choisit de s'installer dans la moitié communiste de Berlin, c'est ce théâtre que Brecht convoite et finit par obtenir en 1954 pour y installer sa troupe du Berliner Ensemble. A gauche de la scène, on voit encore l'aigle prussien qu'il fait alors barrer de rouge. Plutôt que de démolir, Brecht montre comment surmonter l'histoire, sans la nier. La leçon aurait pu servir à Berlin ces dernières années, pour traiter avec plus de ménagement les restes des régimes passés.

A quelques pas de là, en face du Deutsches Theater où Brecht fit ses débuts berlinois dans les années 1920, puis revint travailler après la guerre, le choc est brutal: de la salle où Brecht et sa troupe répétaient, il ne reste plus qu'une façade, dressée devant un grand trou. En guise de "souvenir", cette façade sera insérée dans un immeuble moderne en cours de construction. Quelques pas plus loin, sur la Karlsplatz, le coup est encore plus violent. Brecht avait dédié un poème au peuplier de la place en question, miraculeusement resté debout après la guerre quand les Berlinois abattaient les arbres pour se chauffer. Ce poème était si populaire en RDA que les habitants du quartier l'accrochaient aux arbres de la Karlsplatz. En 1998, les peupliers ont été abattus, pour laisser place à des grues. Les habitants ont affiché le poème aux grilles du chantier. Au moment des grands hommages à Brecht, c'est encore une de ses empreintes qu'on efface pour faire place à la nouvelle capitale.

Michael Bienert, guide de promenades littéraires, emmène volontiers les amateurs se balader dans d'autres quartiers de Berlin, explorer par exemple les relations de Brecht avec le régime nazi puis avec celui de la RDA. Dans les archives du poète, ce guide très particulier a débusqué des centaines d'allusions à des lieux berlinois. Il entraîne ses promeneurs de place en place et leur lit textes et poèmes, en situation. Devant le monstrueux ministère de l'Aviation construit par les nazis dans les années 1930, le guide laisse Brecht évoquer ce "palais que Göring s'est fait construire", un "palais aussi grand qu'une ville". Sans transition, il passe ensuite à l'abondante correspondance entretenue par Brecht, après la guerre, avec cette maison devenue siège des ministères de la RDA.

Le 16 juin 1953, un jour avant la révolte des ouvriers de Berlin-Est, Brecht rappelle au Premier ministre Otto Grotewohl qu'on lui a promis un théâtre: lui confier le Theater am Schiffbauerdamm prouverait au monde sa "loyauté" envers le régime communiste, suggère le poète. "Ça aussi, c'est un texte original de Brecht", plaisante le guide, enchaînant sur une autre requête, plus futile: une lettre de 1955, adressée au ministère de la Culture, demandant l'autorisation d'importer chaque mois 100 bouteilles de bière de Munich.

Du Berlin des années 1920, que Brecht le jeune provincial né en Bavière, à Augsbourg, découvre avec avidité, il ne demeure pas grand-chose. Les cafés, les cabarets que Brecht fréquentait autour du Ku'damm, ont disparu. Reste une lettre, écrite à un ami en 1920: "Berlin est un lieu merveilleux. Tu ne peux par voler 500 marks quelque part et venir ?".

 

 Maison Chausseestrasse 125 :

1915 Jun

1916 Jun

1917 Jun

1918 Jun

1919 Jun

1920 Jun

1922 Jun

1921 Jun

2061 Jul

2062 Jul

2063 Jul

2064 Jul

2065 Jul

2066 Jul

2067 Jul

2068 Jul

2069 Jul

 

 

  Le Keller Brecht :

 

2044 Jul

2046 Jul

2047 Jul

2048 Jul

2049 Jul

2050 Jul

2051 Jul

2052 Jul

2053 Jul

2043 Jul

2054 Jul

 

Ici, tout est "d'époque". Le mobilier du restaurant n'est autre que celui utilisé après la seconde guerre mondiale dans les pièces du célèbre dramaturge. Les murs sont décorés de photos de celui qui fut tour-à-tour le symbole du bouillonnement culturel sous la République de Weimar, puis celui de la résistance artistique au régime hitlérien. Bertolt Brecht, qui fut aussi la figure quasi-officielle de la RDA, avait investi les lieux en 1953, trois ans avant sa mort. Le metteur en scène appréciait le calme et le romantisme de cette grande maison, située à deux pas du Berliner Ensemble, théâtre qu'il avait lui-même fondé.
Le Restaurant, témoignage d'une époque aujourd'hui révolue, est devenu au fil du temps un lieu incontournable pour les passionnés de littérature ou d'Histoire. Les amoureux du Vieux-Berlin apprécieront à coup sûr la chaleur et l'originalité du lieu.

Cette ambiance d'époque se retrouve également dans les assiettes. Ici, la cuisine est élaborée à partir d'authentiques recettes d'Hélène Weigel. La créativité et l'audace de la célèbre actrice et dernière compagne de Brecht en étonnera plus d'un. Les fines saveurs autrichiennes s'accordent parfaitement avec les incontournables de la cuisine allemande. Les gourmets apprécieront le célèbre Spätzel, accompagné de sa choucroute et de fins lardons, ou le Surschnitzel, escalope de porc marinée, accompagnée de salade et de pommes de terre.

Si le côté chaleureux du sous-sol est particulièrement appréciable durant les longues soirées d'hiver, le restaurant dispose aussi pendant l'été d'une terrasse, située dans la charmante cour intérieure de la maison. N’hésitez pas à réserver : les places sont chères le week-end. Ceux qui se passionnent pour le théâtre de Brecht mais sont mal à l'aise avec la langue maternelle de l'écrivain apprécieront le menu traduit en français.

 

Site du restaurant Keller Brecht 

 

Le Theater am Schiffbauerdamm :

 

 

2055 Jul

 

2056 Jul

2057 Jul

2058 Jul

 

Site du Berliner Ensemble et du Théâtre

 

Le  Deutsches Theater :

 

2059 Jul

2060 Jul

 

Site du Deutsches Theater 

 

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LOCALISATION DE LA MAISON :

 

 

 

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19 mars 2013

Francis Jammes - Maison Chrestia à Orthez et Eyhartzea à Hasparren

Biographie de Francis Jammes

 

 

101 Mar

"Il y a dans le regard des bêtes, une lumière profonde et doucement triste qui m'inspire une telle sympathie que mon âme s'ouvre comme un hospice à toutes les douleurs animales".

Francis Jammes est né le 2 décembre 1868 à Tournay. Il y passe ses six premières années avant de partir pour Pau avec sa mère et sa grande soeur habiter chez ses grands-parents, alors que son père est nommé receveur de l'enregistrement à Sauveterre de Guyenne. C'est pendant ce séjour à Pau qu'il visite pour la première fois Orthez où résident ses grandes-tantes Clémence et Célanire. Il est aussi marqué par son oncle Ernest Daran, d'origine mexicaine, qui vit à Assat. En mai 1876, Francis Jammes quitte Pau pour Saint Palais où son père vient d'être nommé. Malheureusement il a de réels problèmes scolaires, il souffre de vexations, il éprouve du dégoût pour tout ce qui exige de la mémoire et reste très attiré par les animaux en général et les insectes en particulier. Il semble que son initiation poétique soit de cette époque.

En 1878, au vu de ses piètres résultats scolaires, ses parents le confient à nouveau à ses grands-parents à Pau. Mais il vit mal cet éloignement et ses résultats s'en ressentent encore plus, on le fait donc revenir à Saint Palais. Il est alors passionné de botanique. En 1879, son père, Victor Jammes est en disponibilité, la famille choisit alors de s'installer rue Saint Pierre à Orthez. En janvier 1880, Francis vit à Assat puis à nouveau à Pau, sa scolarité est totalement décousue, en mars son père Victor est nommé à Bordeaux, la famille s'y installe. Francis adore les sciences naturelles et découvre avec plaisir la physique et la chimie, il collectionne plantes et insectes et a la nostalgie de la campagne.

Pendant l'année scolaire 1883/1884, il entre en 5ème et est ému par les Fleurs du mal de Charles Baudelaire. Il devient l'ami de Charles Lacoste, amitié qui ne se démentira jamais. Charles est passionné de peinture comme Francis l'est de poésie. C'est à cette époque qu'il découvre Paul et Virginie dont la lecture le bouleverse. En 1886 le voici en seconde et il déteste son professeur de lettres, mais malgré cette antipathie sa première création paraît en 1887 dans une revue confidentielle.

Le 3 décembre 1888 son père meurt. Par testament il a exprimé le voeu d'être inhumé à Orthez, sa femme et ses enfants viennent donc se fixer dans cette ville. Francis est alors âgé de vingt ans et sa mère aimerait qu'il abandonne l'oisiveté dans laquelle il se complaît, il va faire un stage peu productif chez le notaire Estaniol et dans sa chambre il ressasse ses regrets qu'il exprime en poèmes qu'il ne montre à personne et découvre aussi les plaisirs de la chasse et de la pêche. Sa mère qui comprend sa passion poétique l'encourage discrètement.

C'est à l'été 1889 que Francis fait la connaissance d'Hubert Crackanthorpe, un jeune Anglais en villégiature à Orthez. Hubert qui dit descendre par sa mère du poète Wordsworth, vient de publier à Londres, il impressionne Francis. C'est en 1892 qu'il rencontre Amaury de Cazanove, gentilhomme cultivé et enjoué qui l'invite dans son château aux portes d'Orthez. Amaury encourage Francis dans sa production poétique et celui-ci va publier Six sonnets chez un imprimeur local, Goude-Dumesnil à Orthez. On y découvre ce qui sera la trame des thèmes jammistes : la frêle jeune fille triste et rêveuse, la campagne calme avec les animaux, les jeux de couleurs. Francis Jammes craint le regard des autres sur son oeuvre, mais Hubert Crackanthorpe va le rassurer et le faire évoluer.

L'année 1893 est décisive, Francis Jammes établit une correspondance avec Stéphane Mallarmé qui le conseille avec bonheur. A la fin de cette année, un article paraît sur sa première oeuvre dans le Mercure de France, le commentaire n'est pas dithyrambique mais suffisamment curieux et plein de mystère pour intéresser le petit monde littéraire à ce nouveau venu.

On commence à parler de lui à Paris où Mallarmé, de Régnier et Gide sont ses premiers relais. Premières déceptions aussi, le jugement hautain de Pierre Loti et le refus de publication dans la Nouvelle Revue d'Etudes sur Lamartine, Hugo, Leconte de Lisle, Baudelaire et Musset que Francis Jammes préparait.

En 1895, il fait la connaissance de Pierre Loti chez Chasseriau à Biarritz et de Régnier est son ambassadeur pour lui ouvrir les portes de la Revue Blanche et du Mercure de France. En avril, il produit "Un Jour", un long poème dramatique en 4 actes qui enchante Régnier et Gide, ce dernier payant l'édition de l'oeuvre. En octobre il part pour Paris où il rencontre Henri Bataille qui vient de publier "la chambre blanche", mais un différend les séparera rapidement. Durant son séjour parisien, il fait la connaissance d'Alfred Vallette (directeur du Mercure de France), du poète Albert Samain, du romancier Marcel Schwob et du musicien Raymond Bonheur et il assiste au mariage d'Henri de Régnier qui épouse Marie de Hérédia. C'est à cette époque que Gide et Jammes établissent une correspondance suivie et se tutoient. Gide devient son véritable confident.

En 1897 paraît à Bruxelles "Naissance d'un poète" et "Un Jour" avec l'aide amicale de Rodenbach et Maëterlink. Cette année là, Jammes a de nouveaux correspondants : Paul Fort et Paul Claudel. Mais la critique de ses travaux déçoit Jammes qui est blessé par ailleurs par le manque d'égards que lui manifeste Loti qui vient de publier Ramuntxo.

La fin du siècle est le temps des manifestes poétiques, on a vu successivement : le vers librisme de Kahn en 1897, l'instrumentisme de René Ghil la même année, le romanisme de Moréas en 1888, le magnificisme de Saint-Pol Roux en 1890, le magisme de Joséphin Péladan la même année, le socialisme de Rodolphe Darzens en 1891, l'anarchisme de Laurent Tailhade et Félix Fénéon en 1892, le paroxysme de Verhaeren, Eekhoud et Mockel en 1893, l'ésotérisme de Victor Emile Michelet et Edouard Schuré en 1895, le naturisme de Saint George de Bouhélier en 1896.

Jammes ironise sur le pullulement des écoles. Son manifeste sur le vrai est un contre-manifeste mais y figure toutefois le mot "jammisme". Sa définition de la poésie est ultra simple : "la peinture du vrai, louange de Dieu".  Il collabore dès lors au Spectateur catholique, puis entreprend "la mort du poète" dernier élément du triptyque après  "Naissance du poète" et "Un Jour".

Rémy de Gourmont lui consacre un article et même François Coppée, pourtant assez distant, parle avec chaleur de sa poésie naïve, tout comme Charles Guérin qui écrit sur lui dans l'Ermitage et deviendra un de ses grands amis. La presse s'intéresse donc à lui mais il lui faut aussi affronter les critiques acerbes de certains, notamment de Willy dans le Journal amusant et le Musée des familles.

C'est en octobre 1897 que Francis Jammes s'installe à la maison Chrestia. Cette année est sentimentalement un très mauvais cru. Il a rencontré dans une réception dans un château des environs d'Orthez, une jeune Israélite qu'il appelle dans ses poèmes Mamore. Il vit avec elle un été violent et brûlant, la rupture surviendra l'hiver. Cette liaison heurtait la société bien pensante d'Orthez et Francis a quitté Mamore vraisemblablement par amour pour sa mère, très pratiquante. Il vit mal cette idylle contrariée et traîne sa mélancolie tout l'hiver, le plus sombre de son existence. A cette déception s'ajoutent les décès de son grand-père et de son oncle mexicain.

Début 1898, Charles Guérin est le premier visiteur de la maison Chrestia, depuis Paris il adressera un de ses plus beaux poèmes "O Jammes, ta maison ressemble à ton visage".  En avril, paraît "De l'Angelus de l'aube à l'Angelus du soir", une de ses oeuvres majeures, dense et apaisante, où l'on ressent une véritable sympathie avec la nature et les êtres, les animaux surtout (il marque déjà une certaine prédilection pour l'âne). Certaines oeuvres sont touchantes, l'évocation d'un jour de marché à Orthez, l'armoire de sa maison et ses mille voix, les vies antérieures évoquées, la nostalgie des îles lointaines, Jean-Jacques Rousseau sa grande référence, Paul et Virginie, les contes des Mille et une nuits. Cette publication fait grand bruit dans le monde littéraire, André Theuriet, François Coppée et de Heredia, disent leur plaisir. A peu près toutes les revues consacrent un article à la parution, y compris en Suisse, Belgique et Angleterre. Il y a aussi quelques réticences exprimées par Henri Bordeaux ou Adolphe Retté. Les éreintements proviennent de Charles Maurras ou de Maurice Le Blond, mais la réputation de Francis Jammes se répand, dans l'ensemble on le loue d'être original même si on l'accuse de bizarrerie. Peu à peu sa légende se forge, Charles Louis Philippe le représente enfoui "dans l'ombre très vieille d'une petite ville arriérée". Nombre de critiques et de laudateurs ne peuvent imaginer qu'il choisisse d'enterrer son génie naissant au fond des Pyrénées ! Pourtant, après le poème de Guérin, la petite chaumière de Chrestia, comme le dit lui-même Francis Jammes, devient objet de légende.

A l'automne 1898, à la suite d'un poème d'invitation très émouvant d'André Gide, il se rend à Lisieux et fait un pèlerinage au château de La Roque-Baignard, une propriété des grands-parents de Gide. La visite d'un autre château et de l'histoire tragique qui s'y déroula, va inspirer Gide et Jammes, le premier créera le personnage d'Isabelle et le second celui de Célia dans l'Elégie quatrième

L'hiver 1898/1899 est une période mélancolique pour Jammes, mais ce sera l'occasion pour Jammes d'inventer sa première fille spirituelle :  Clara d'Ellébeuse. Premier roman jammiste, avec une héroïne modèle de pureté et de virginité. Son histoire puise dans les récits exotiques qu'il retrouva avec passion dans la liasse de lettres de son grand-père envoyées depuis la Guadeloupe. Claudel, de Gourmont et Colette sont séduits et expriment leur émotion, c'est aussi à ce moment là que sa mère mesure l'ascension littéraire de son fils et en exprime le plus de fierté.

Sa mère ayant exprimé le désir de revoir les lieux de son enfance, Francis l'emmène à Marseille puis à Aix-en-Provence. Au delà de Sisteron, ils rejoignent le vieux château délabré du grand-père à Miravail. Avant de reprendre la route d'Orthez, Francis Jammes veut s'imprégner des paysages que connurent Jean-Jacques Rousseau et Madame de Warens : Chambéry, les Charmettes. Après le Grande Chartreuse, ce sera Genève et là il aura enfin le plaisir de rencontrer Henry Bordeaux. De retour à Orthez il compose "le Poète et l'Oiseau" qu'il dédie à Charles Guérin.

Le voici le 22 mars 1900 en conférence à Bruxelles, un succès devant plus de 600 personnes, il fait une nouvelle communication à Anvers où lui est présenté le poète belge Max Elskamp. Puis c'est Bruges où il converse avec Arthur Daxhelet. La visite du quartier juif d'Amsterdam est le point d'orgue de ce voyage. Sur le chemin du retour il s'arrête à Paris chez Gide et rencontre Claudel et Schwob.

De retour à Orthez il vit une nouvelle crise de désillusion et d'ennui. A Vielé-Griffin qu'il reçoit, il confie sa solitude et sa torture devant le bonheur conjugal des autres. Il vit mal aussi d'être déprécié par certains critiques comme Gaston Deschamps et Catulle Mendès. Un voyage en Ossau lui fait concevoir une seconde fille spirituelle : Almaïde d'Etremont, elle a 25 ans et il situe son aventure aux Aldudes.

Le 18 août il apprend avec douleur la mort de Samain, il écrira sous le coup de l'émotion une "Elégie à Albert Samain", un de ses plus beaux poèmes. A la fin de l'été il termine une nouvelle oeuvre "Existences", c'est une comédie en vers (qu'il déjugera plus tard dans ses Mémoires), cette analyse de moeurs inspirée de la vie sociale orthézienne lui vaudra de solides inimitiés.

En mars 1901 le Mercure de France publie les poèmes produits et rassemblés depuis "l'Angelus de l'aube et l'Angélus du soir", la nouvelle plaquette s'intitulera "Le Deuil des Primevères". Tous les thèmes jammistes sont dans le nouveau recueil qui fait large place à la jeune fille idéale, pure et aimante qui hante ses rêves. Cette plaquette est bien accueillie par la critique.

En mars 1902, il perd sa chienne aimée Flore, la douleur qu'il éprouve lui inspirera l'oeuvre qu'il entreprend alors "Le Roman du Lièvre". Est-il possible qu'il y ait quelque part un paradis pour les animaux aimés ? Cette oeuvre atteint une certaine perfection dans le pathétique. Pourtant, à la fin du printemps 1902, c'est "Le Triomphe de la Vie" qu'il publie, édition qui regroupe "Jean de Noarrieu" et "Existences". La publication sera mal reçue, les milieux bien pensants d'Orthez crient au scandale et le monde littéraire n'exprime pas son enthousiasme.

Suite à un évènement survenu à la gare de Mont de Marsan en 1903, il écrit "Pomme d'Anis", histoire d'une jeune infirmière, Laure d'Anis, qui sera sa troisième fille spirituelle. Anna de Noailles lui dira avoir été bouleversée par ce récit.

L'hiver 1903/1904 est lui aussi difficile, Francis Jammes voit la liaison qu'il vient d'ébaucher se rompre du fait de la volonté des parents de la jeune fille qui le jugent trop peu argenté. Jammes rejoint à Saint Georges de Didonne, Fontaine et Redon, il leur lit son dernier poème "le Poète et sa femme" une oeuvre à relier avec sa récente déception amoureuse, ce poème sera intégré au recueil "Clairières dans le Ciel". En grande détresse il écrit alors beaucoup à Fontaine et Claudel et le 8 décembre 1904 il se rend à Lourdes et implore Dieu dans la basilique.

Pourtant la réussite littéraire est là, Colette lui demande de dédicacer une de ses oeuvres "Dialogues" et il fait éditer des cartes postales pour répondre à ses nombreux admirateurs. Au printemps 1905, Claudel rentre de Chine (il est ambassadeur) et accueille Jammes aux Eaux Bonnes, ils ont ensemble de longues conversations. Le 7 juillet se dénoue la crise morale que vit Francis Jammes depuis longtemps et c'est à Labastide Clairence, en présence de Claudel et du Père bénédictin Michel Caillava, que Jammes a conscience de sa "conversion". Après un pèlerinage national effectué ensemble à Lourdes, Claudel et Jammes se séparent. Cet apaisement qui a touché le poète inspire une nouvelle oeuvre "L'Eglise habillée de feuilles" (où figurent les poèmes "je vous salue Marie"). C'est le 30 novembre 1905 que le salon des Fontaine à Paris accueille Jammes, les Gide, les Mithouard, Bonheur et Claudel pour une lecture de "l'Eglise habillée de feuilles" prononcée par Gide.

A son retour à Orthez, il termine "la Cabane coiffée de roses". Pour l'Annonciation il se rend en pèlerinage à Cayla dans le Tarn, où résident Eugénie et Maurice Guérin, il y prépare un Chant qu'il termine à Orthez. Ce voyage est décisif pour la démarche religieuse qu'il conduit. Le livre du retour à Dieu qu'il publie en octobre 1906 s'intitule "Les Clairières du Ciel". L'évolution morale et littéraire du poète est bien marquée, sur le plan du style il devient de plus en plus classique. Sa notoriété est alors à son apogée. il y a bien des critiques qui l'éreintent comme Charles Muller qui raille sa poésie "horticole", pourtant, curieusement, le surnom qu'il lui donne "le cygne d'Orthez", lui restera comme un emblème.

Francis Jammes apprend avec douleur la mort d'Eugène Carrière, puis le 17 mars 1907 celle du grand ami Charles Guérin, il dit alors pour la première fois que le printemps ne renaît pas tout entier.

Après un séjour à Lunéville pour se recueillir sur la tombe de son ami, à son retour à Orthez une lettre l'attend. Une jeune femme de 24 ans, Ginette Goedorp, qui vit à Bucy-le-long dans l'Aisne, lui exprime sa profonde admiration. Elle a lu toutes les oeuvres du poète, elle est hantée par la beauté de ses poèmes. Sa lettre est un véritable cri d'amour, d'autant qu'elle sait lui dire qu'elle est la soeur spirituelle de Clara et de Laure. Emu, Francis Jammes répond à celle qu'il appelle sa mésange charbonnière. Puis tout va très vite.

Le 18 août, à Pau, Francis Jammes et sa mère, rencontrent Ginette Goedorp et sa mère. Le 19, Francis et Ginette se fiancent devant la grotte de Lourdes puis viennent à Orthez découvrir la maison Chrestia. Début septembre c'est au tour du poète de se rendre à Bucy. Le mariage y est célébré le 8 octobre 1907.

Le 1er décembre il faut quitter le logis exigu de Chrestia, au vif regret du poète. Les Jammes passent Noël à Bucy sur les bords de l'Aisne et par très grand froid, Francis composera là ses "Poèmes mesurés". De retour à Orthez, le couple aménage la nouvelle maison Major. Jammes va vivre là comme un coq en pâte, entre une mère attentive et une épouse aimante, on reçoit désormais la bonne société catholique et conservatrice d'Orthez, le poète parachève ses "Rayons de Miel". Le 18 août 1908 le couple donne naissance à leur première fille, Bernadette (un hommage à sainte Bernadette de Lourdes).

Au printemps 1909, les Jammes vont à Bucy et rendent visite aux Gide à Paris. Un grand repas réunit les amis, Lacoste, Fontaine, Bonheur, Ruyters. La campagne et la nature sont à la mode, le poète correspond alors avec Anna de Noailles, Abel Bonnard, Jules Romain et Henri Pourrat. Francis Carco envoie à Jammes ses premiers recueils, tout comme Tristan Derème. Parmi les nombreux zélateurs qui s'adressent à Jammes, figure un certain François Mauriac. Yvette Guilbert donne des auditions publiques partout en Europe et même aux Etats-Unis et elle fait applaudir les créations du poète.

Fin 1909, les Jammes se trouvent à Gavarnie et reçoivent Fontaine et Florent Schmitt, à Noël naît leur deuxième fille, Emmanuelle. En mai 1910 on présente la nouvelle oeuvre du poète "Ma fille Bernadette". A ce moment là, la rupture avec Gide est consommée. La séparation était latente depuis 1907, trop de choses les éloignent désormais. Gide a abandonné la poésie pour le doute et les romans à thèse. Jammes au contraire, se voue de plus en plus à la certitude et à la poésie.

Durant la période de Noël 1910 passée à Bucy, Jammes rédige "la Brebis égarée". Pour l'arrêt habituel à Paris sur le chemin du retour, le poète est accueilli chez la belle-soeur de Fontaine, tous ses amis parisiens sont conviés pour la lecture de "la Brebis égarée", Edmond Pilon le reçoit également et lui présente le groupe des jeunes poètes catholiques engagés avec pour chefs de file André Lafon et François Mauriac. Le philosophe catholique Georges Dumesnil vient passer à l'automne 1910 trois jours à Orthez. Jammes s'attèle à la rédaction des "Georgiques Chretiennes"

Marie, leur troisième fille naît en 1911. La visite de Valéry Larbaud préfigure le voyage à Orthez incontournable pour la jeune littérature catholique. Ce sera ensuite, la même année, le tour d'André Lafon et de François Mauriac d'être admis à la maison Major. L'été 1911 voit la publication très attendue des "Georgiques", l'oeuvre est une forme d'art poétique, un retour au classicisme, avec un rythme qui fait penser aux versets bibliques. Jammes obtient un prix de l'Académie Française, il éprouve toutefois une déception, il pensait que l'élection du Prince des Poètes lui serait acquise, mais Paul Fort l'emporte largement.

Début 1912, Jammes reçoit à Orthez Darius Milhaud qui vient mettre en musique "La Brebis égarée". C'est début 1913 que le poète part seul à Paris pour la création de "La Brebis égarée", il loge chez Fontaine. Madame Alphonse Daudet prépare pour lui une réception, il rencontre enfin Anna de Noailles chez elle et la générale de "la Brebis" est donnée le 9 avril 1913. Le 6 juin, un petit Paul (dont Claudel est le parrain) naît chez les Jammes. Ceux-ci reçoivent Eusèbe de Brémond d'Ars et le pianiste Yves Nat. Puis c'est au tour de Claude Casimir Périer, fils du président, de la comédienne Simone et d'Alain-Fournier. La maladie de Marie et la fatigue de sa femme, inspirent à Jammes "Feuilles dans le vent" qui est généralement admis comme le dernier jalon du jammisme.

La guerre est là, Jammes est chargé par le maire d'Orthez d'organiser les soins et les secours aux blessés, tâche dont il s'acquitte avec vigilance. Il publie en 1916 "Cinq prières pour le temps de la guerre" puis "Le Rosaire du soleil". En 1918 sort "Monsieur le curé d'Ozéron". La guerre finie, il part à Paris pour donner des conférences, Anna de Noailles et Proust le complimentent, Henry Bordeaux, de Régnier et Etienne Lamy lui laissent espérer une admission à l'Académie Française, pourtant le 3 juin 1919 il est nettement battu à l'élection au siège d'Edmond Rostand, par Joseph Bédier (8 voix contre 20).

Il a 50 ans et 7 enfants au moment de l'armistice, mais un souci le préoccupe, son propriétaire veut vendre la maison Major. Où faut-il aller ? Il lui faut temporiser. Son ami, le Père Michel Caillava le présente à une de ses parentes éloignées, Madame Gille, qui accepte de le désigner comme son légataire universel. En 1921, il était temps car la maison Major était à la vente, la mort de Madame Gille lui fait hériter d'Eyhartzia, une maison d'Hasparren au pied de l'Ursuya. Dans ce nouveau gîte, Jammes entame la rédaction de ses "Mémoires" et des quatre livres de Quatrains.  Nommé dans l'ordre de la Légion d'Honneur en 1922, il écrit au ministre Bérard pour refuser sa croix. Une nouvelle candidature à l'Académie, au fauteuil de Pierre Loti, est infructueuse, Albert Bernard obtient 16 voix et lui 12, ce qui est honorable.

Il quitte rarement le Pays Basque à partir de 1924 mis à part quelques conférences, à Bruxelles sur la fonction du poète, à Paris sur Ronsard. Anna de Noailles était venue le voir en 1921. Il reçoit à Eyhartzia Henri Ghéon, François Mauriac, Darius Milhaud qui vient lui annoncer la mise à l'affiche de l'Opéra comique de "la Brebis égarée". Ses dernières oeuvres seront "Ma France poétique", "Basses Pyrénées, histoire naturelle et poétique" puis "la Divine douleur", "Janot poète", "Diane", "Les nuits qui me chantent", "Leçons poétiques" et enfin "Champêtries et Méditations".

 Francis Jammes ne quitte plus Eyhartzia que pour voir ses filles à Fontarabie et ses fils à Bordeaux. Il reçoit peu désormais, Paul Valéry en 1928, et son voisin Maurice Martin du Gard de Lendresse. Il fait un dernier voyage à Orthez à l'occasion des obsèques de sa mère en 1934 (décédée à 93 ans). Il ne cachera pas que le Pays Basque est sa terre d'exil et qu'Orthez aura toujours été son havre de bonheur. En 1934 paraît son dernier roman "L'Antigyde". Il a de plus en plus de soucis matériels car ses ouvrages se vendent mal, il souffre de se sentir mésestimé et oublié, en 1935 il publie "De tout temps à jamais". En 1936 un dernier prix, le prix d'Aumale, lui est décerné par l'Académie Française, mais il est trop tard pour lui, il vivote désabusé, en rédigeant des articles pour les journaux. Un dernier grand voyage comme une tournée d'adieux en 1937 à l'occasion de l'Exposition Internationale, il est invité à Paris à donner une conférence où il remporte un véritable triomphe et paraît sur l'estrade accompagné de ses amis Paul Claudel et François Mauriac. Sa santé dès lors décline, il souffre horriblement, à Jean Labbé qui le visite en lui apportant une fiole d'eau d'une source de l'Ursuya il dit "Maintenant je n'ai plus besoin de prier, ma souffrance elle-même est une prière, je l'offre entièrement à Dieu, le reste appartient aux hommes"

Toussaint 1938, il quitte ce monde le jour où une de ses filles prend le voile, le dernier mot perceptible qu'il prononça fut "Orthez".

 

 

Maison Chrestia à Orthez

 

1715 Jun

 

 

Orthez est une des villes béarnaises qui apparaît le plus anciennement dans l’histoire : des vestiges d’églises datant du XIe siècle sont encore visibles. De 1242 à 1464, Orthez devient capitale du Béarn grâce à Gaston VII de Moncade, vicomte de Béarn. Ce dernier entreprend la construction du Château Moncade, siège de la cour de Gaston III de Foix-Béarn dit Phébus. En proclamant la souveraineté du Béarn, Gaston Phébus (1343-1391) a su mener à bien une politique d’indépendance et de neutralité au plus fort de la Guerre de Cent Ans.


Chef de guerre redoutable, il fut également un homme de lettres et un protecteur des arts. Auteur du "Livre de Chasse", il regroupait au sein de sa cour des artistes et des lettrés tels que le chroniqueur médiéval Jean Froissart. Le Pont Vieux est sans nul doute l’œuvre la plus remarquable de Gaston VII Moncade. Emblème orgueilleux de la ville, traversant le Gave de Pau, il est le lieu de passage des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Au XVIe siècle, la reine Jeanne d’Albret, mère du futur Henri IV, instaure le protestantisme comme religion d’Etat en Béarn. Orthez devient rapidement sa capitale religieuse. Elle y fonde en 1549 une université qui se trouvait derrière la mairie actuelle. Sur le modèle de l’Université de Genève, on y enseigne le latin, le grec, l’hébreu, les auteurs antiques, la théologie mais aussi le droit et la médecine. Une imprimerie accompagne la création de l’Université. De nombreux écrits universitaires y seront publiés. Des œuvres en langue béarnaise sortiront également des presses de l’imprimerie d’Orthez, notamment la traduction des Psaumes de David par Arnaud de Salette en 1583. L’université ferme définitivement ses portes en 1620, laissant derrière elle une forte tradition de l’imprimerie à Orthez. Au XVIIIe siècle, Orthez se spécialise dans la transformation des produits issus de la campagne environnante et dans le négoce. Une bourgeoisie émerge. Différentes maisons de négociants et d'artisans alliant des fonctions résidentielles et professionnelles sont encore visibles de nos jours dans les rues d'Orthez.

 

Bâtie dans le plus pur style béarnais, avec ses tuiles Picon et sa cour en fer à cheval, cette maison du XVIIIème siècle fut la demeure de Francis Jammes de 1897 à 1907. Sise route de Pau, aujourd'hui devenue avenue Francis Jammes, elle est un peu à l'écart de la ville. Le poète y vécut avec sa mère pendant 10 ans, jusqu'à son mariage,  trop grande pour Francis et sa mère, elle devient trop petite pour les débuts d’une famille. Le nom de Chrestia vient du fait que cette maison accueillait autrefois les lépreux.

Le cygne d'Orthez fréquenta nombre d'artistes et fut l'intime de plusieurs d'entre eux. Beaucoup vinrent séjourner dans cette maison le premier Charles Guérin lui dédia un poème à la suite de son séjour :

 

ô Jammes. . .
ô Jammes, ta maison ressemble à ton visage.
Une barbe de lierre y grimpe; un cèdre ombrage
de ses larges rameaux les pentes de ton toit,
et comme lui ton coeur est sombre, fier et droit.
Le mur bas de ta cour est habillé de mousse.
La maison n'a qu'un humble étage. L'herbe pousse
dans le jardin autour du puits et du laurier.
Quand j'entendis, comme un oiseau mourant, crier
ta grille, un tendre émoi me fit défaillir l'âme.
Je m'en venais vers toi depuis longtemps, ô Jammes,
et je t'ai trouvé tel que je t'avais rêvé.
J'ai vu tes chiens joueurs languir sur le pavé,
et, sous ton chapeau noir et blanc comme une pie,
tes yeux francs me sourire avec mélancolie.
Ta fenêtre pensive encadre l'horizon;
une vitrine, ouverte auprès d'elle, reflète
la campagne parmi tes livres de poète.
Ami, puisqu'ils sont nés, les livres vieilliront;
où nous avons pleuré d'autres hommes riront:
mais que nul de nous deux, malgré l'âge, n'oublie
le jour où fortement nos mains se sont unies.
Jour égal en douceur à l'arrière-saison;
nous écoutions chanter les mésanges des haies,
les cloches bourdonnaient, les voitures passaient...
ce fut un triste et long dimanche des rameaux:
toi, pleurant ton amour et plaintif comme une eau
qui dans l'herbe, la nuit, secrètement sanglote;
moi, plein de mort, rêvant d'un suprême départ
sur la mer où tournoient les barques sans pilotes.
Nous écoutions tinter les sonnailles des chars,
pareillement émus de diverses pensées,
et le ciel gris pesait sur nos âmes blessées.
Reviendrai-je dormir dans ta chambre d'enfant?
Reviendrai-je, les cils caressés par le vent,
attendre la première étoile sous l'auvent,
et respirer dans ton coffret en bois de rose,
parmi l'amas jauni des vieilles lettres closes,
l'amour qui seul survit dans la cendre des choses?
Jammes, quand on se met à ta fenêtre, on voit
des villas et des champs, la montagne et ses neiges;
au-dessous c'est la place où ta mère s'assoit.
Demeure harmonieuse, ami, vous reverrai-je?
Demain? Hélas! Mieux vaut penser au temps d'hier.
Une âme sans patrie habite dans ma chair.
Ce soir, un des plus lourds des soirs où j'ai souffert,
tandis que, de leur flamme éparse sur la mer,
les rayons du soleil couchant doraient la grève,
les cheveux trempés d'air et d'écume, j'allais,
roulé comme un caillou par la force du rêve.
La terrible rumeur des vagues m'appelait,
voix des pays brûlés, des volcans et des îles;
et, le coeur plein de toi, j'ai marqué d'un galet,
veiné comme un bras pur et blanc comme du lait,
le jour où je passai ton seuil, fils de Virgile.

 

 

D'autres suivirent, tels André Gide, Marcel Schwob, Marguerite Moréno, Thomas Braun, Viellé-Griffin, Eugène Carrière, Jacques Dyssord, Léon Moulin...
Il écrit beaucoup pendant ces dix années : "De l'Angelus de l'aube à l'Angelus du soir", "Quatorze prières", "Elégie quatrième", "Clara d'Ellebeuse", "Le Poète et l'Oiseau", "Almaïde d'Etremont", "Existences", "Le Deuil des primevères","Jean de Noarrieu", "Le Roman du    Lièvre", "Le Triomphe de la vie", "Pomme d'Anis", "L'Eglise habillée de feuilles", "La Cabane coiffée de roses", "Les Clairières du Ciel".


Depuis 1982, cette maison abrite l'Association Francis Jammes qui se donne pour tâche de faire connaître l'oeuvre du poète. Elle contient des salles d'exposition permanente et organise des expositions temporaires. L'Association organise aussi des colloques. Afin de perpétuer l'image du poète et de son oeuvre, l'association a développé un important panel de documents sur l'auteur, avec des éléments qui sortent des sentiers battus, un tableau de Louis de Meuron illustrant l'un des poèmes de Francis James,"La Prière pour aller au paradis avec les ânes", deux registres de compte aussi, tenus par le poète, une thèse de doctorat sur Arthur Fontaine, grand ami et mécène de Francis James, un manuscrit inédit encore du poète, Bleuette, reine de France, de 26 feuillets, daté de fin 1928…

Au registre des évolutions notoires, la publication d'une autre édition de l'oeuvre poétique complète de Francis Jammes, revue et agrémentée de pages nouvelles, soit 1 600 pages parues chez Atlantica. Et depuis quelques années, l'association a participé à plusieurs salons du livre et manifestations littéraires pour mettre en valeur ce potentiel. A l’heure actuelle, des projets de réaménagements sont en vue, la volonté de numériser l’ensemble des documents aussi, à l’évidence, cette maison aura toujours la volonté de mieux faire connaître le poète à tous, toutes générations confondues.

 

1717 Jun

1716 Jun

1728 Jun

1718 Jun

1727 Jun

Après le passage de la tempête Klaus en 2009

Miraculeusement les arbres ont épargné la maison

1719 Jun

1725 Jun

1720 Jun

1721 Jun

1722 Jun

1734 Jun

1723 Jun

1724 Jun

1726 Jun

1729 Jun

1730 Jun

1731 Jun

1732 Jun

1733 Jun

1735 Jun

 

Un grand merci à Frédérique Panassac, à Renaud Camus et à l'Association Francis Jammes pour leurs photographies. 

 

 

 

 Maison Eyhartzea à Hasparren

 

 

1715 Jun

 

 

Francis Jammes, sa femme, ses enfants et sa mère vivaient dans la maison Major à Orthez depuis le mariage du couple en 1907. Mais le propriétaire décide de la mettre en vente en 1919, la famille doit trouver un autre toit. Michel Cavailla, père bénédictin et ami de la famille les présente à Madame Gille, une de ses parentes éloignées. Celle-ci habite une maison à Hasparren dans le Pays Basque. Madame Gille décide dès 1920 de faire de Francis Jammes son héritier. A sa mort en 1921 la famille Jammes s'installe à Eyhartzea près des vestiges du château Belzunce au pied de l'Ursuya (la montagne des sources).

A sa mort en 1938, le poète lègue sa maison à la commune d'Hasparren pour un franc symbolique à la condition que celle-ci soit utilisée dans un but culturel.

En 1977, une dizaine d’associations fonctionnant chacune sur des spécialités socioculturelles différentes (musique, danse, animation, cours de basque…) se regroupent  pour organiser et présenter des "semaines culturelles basques" à Hasparren. Après cinq années d’animations, elles décident de créer une structure inter associative "Eihartzea kultur etxea" formée d’une quinzaine d’associations. En 1983, la commune d'Hasparren met la maison Eihartzea à la disposition exclusive de l’inter-associatif "Eihartzea kultur etxea".  Ce Centre se veut un espace de vie culturel en proposant des activités, des services et des animations d'abord sur l’ensemble du territoire de la Communauté des Communes du Pays d'Hasparren. De nombreuses manifestations y seront organisée, beaucoup de projets y seront nés aussi : semaines culturelles, veillées, festival de contes, écoles de musique. Des compagnie de théâtre et de musiques professionnelles y implanteront aussi leur projet avant de s’envoler… Suite au passage d’une commission de sécurité le 22 mars 2006, la maison, ferme ses portes le 18 mai 2006 pour que des travaux de réhabilitation y soient effectués. Au lendemain de son élection, en mars 2008,  le maire nouvellement élu décide de réhabiliter la maison Eihartzea pour qu’elle retrouve une vocation culturelle. De 2010 à 2012, pour un coût de 920.000 euros, la maison a bénéficié d’importants travaux de restauration ainsi que de mise aux normes et de sécurité. 

 

Mais il faut absolument souligner que cette maison n'a plus aucun lien avec Francis Jammes, et que les travaux de réhabilitation ont détruit l'âme du lieu et même évincé le poète. Pour preuve une lettre de Mireille Newman Jammes, petite fille du poète, dont elle perpétue la mémoire notamment grâce l'Association Francis Jammes créée en 1982.

 

" Novembre 1938 - mort du poète à Hasparren dans sa maison Eyhartzea. En cet anniversaire nous devons vous annoncer une douloureuse nouvelle : la destruction de cette belle maison dans un parc magnifique qui depuis quelques années était devenu un jardin public bien entretenu.
 
Nous devons ces grands travaux (voir les photos de la démolition ou transformation ci-dessous) à Monsieur le Maire d'Hasparren...avec  le soutien financier de l'Etat (voir photo).
 
Nous comprenons très bien que cette Maison Eyhartzea ne pouvait rester uniquement un "Mausolée Francis Jammes". Les œuvres de nos écrivains, musiciens et artistes doivent vivre avec leur temps alors pourquoi ne pas avoir gardé et respecté ce patrimoine en "lieu de rencontre et de création" où les nouvelles générations d'artistes auraient pu trouver  inspiration, recueillement et échanges ? Depuis son rachat par la Municipalité d'Hasparren il avait été décidé qu'elle abriterait plusieurs associations culturelles : deux salles seraient réservées à Francis Jammes pour des expositions et un petit musée. Au fil des ans elle est devenue la maison d'une seule association sans bien savoir pourquoi ni comment.

Eyhartzea a traversé, certes, bien des difficultés pour survivre mais elle parvenait à garder son âme avec  les souvenirs des passages de tous ces grands artistes, musiciens, écrivains et plus tard les rires des enfants et des habitants de la ville qui venaient dans le parc, devenu "jardin public" depuis de nombreuses années.

Triste anniversaire que ce 1er novembre 2011..."

Mireille Newman Jammes.

 

 

1736 Jun

1737 Jun

1738 Jun

1739 Jun

1743 Jun

1740 Jun

1741 Jun

1742 Jun

 

Un grand merci à Mireille Newman Jammes.

 

Site de l'Association Francis Jammes

Actuellement à la Maison Chrestia une exposition sur Francis Jammes et ses amis artistes

 du 18 mai au 30 septembre 2013 - du lundi au vendredi 10h-12h et 15h-17h

 

Procurez vous des ouvrages de Francis Jammes

 

LOCALISATION DES MAISONS :

 

 

 

 

10 juin 2012

Jean Giono - Lou Paraïs à Manosque

Biographie de Jean Giono

 

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" Le bonheur est une recherche. Il faut y employer l’expérience et son imagination."

 

Jean Giono naît à Manosque, le 30 mars 1895 dans une famille modeste. Son père, Jean-Antoine Giono, est un cordonnier, libertaire, autodidacte, généreux, que son fils évoquera dans Jean le Bleu. La famille paternelle restera d'ailleurs entourée d'une aura un peu mythologique, en particulier le grand-père Giono, dont l'image qu'il s'en fait à travers les récits de son père inspirera l'épopée d'Angelo, le hussard sur le toit.

Sa mère, Pauline Pourcin, dirige fermement son atelier de repassage. C'est elle qui tient les cordons de la bourse.

Mis à part pour quelques voyages, Giono ne quittera que très rarement sa ville natale. Elle sera évoquée dans plusieurs textes (Manosque-des-Plateaux en particulier).

En 1911, Giono doit quitter le collège, en seconde, pour travailler et contribuer à la vie de la famille. Il devient employé de banque à Manosque. La banque sera son cadre de travail jusqu'à la fin de 1929, année de la publication de Colline et de Un de Baumugnes.

Ces années à la banque lui permettent d'abord de s'offrir quelques livres, les moins chers, ceux de la collection Classique Garnier. Il découvre ainsi L'Iliade, les tragiques grecs.

Fin 1914, Giono est mobilisé. En 1916, il participe aux combats, batailles de Verdun, du Chemin des Dames, du Mont Kemmel où il est légèrement gazé aux yeux. Il découvre l'horreur de la guerre, les massacres, un choc qui le marque pour le reste de sa vie. Il évoquera cette douloureuse expérience dans Le Grand troupeau, ainsi que dans ses écrits pacifistes des années 30.

De retour de la guerre, en 1919, Giono retrouve Manosque et son emploi à la banque.

Il perd son père en avril 1920; épouse Elise Maurin en juin.

Durant les années qui suivent, Giono écrit inlassablement. En 1923, il travaille sur Angélique, roman médiéval resté inachevé; il publie des poèmes en prose dans la revue marseillaise La Criée. En 1924, son ami Lucien Jacques publie Accompagnés de la flûte, des poèmes en prose, aux Cahiers de l'artisan. Dix exemplaires sont vendus. Plusieurs textes paraissent dans des revues (Les Larmes de Byblis, Le Voyageur immobile...). En 1927, Giono écrit Naissance de l'Odyssée. C'est le roman fondateur, dans lequel on retrouve les éléments qui seront les thèmes de l'oeuvre à venir: l'angoisse et la fascination devant la nature, l'inquiétude panique de l'homme au contact du monde, la veine dionysiaque. Naissance de l'Odyssée est refusé par Grasset qui le qualifie de jeu littéraire.

Grasset accepte cependant de publier Colline, en 1929. Le succès est immédiat tant chez le public que chez la critique. Gide salue ce livre avec enthousiasme et va rendre visite à Giono à Manosque.

La même année, Grasset publie Un de Baumugnes, qui connaît également le succès. Giono se décide à vivre de sa plume et abandonne son emploi à la banque. Il fait l'acquisition de la maison du Paraïs, petite maison qu'il agrandira au cours des années et qu'il habitera jusqu'à sa mort.

Regain paraît l'année suivante. Il sera porté à l'écran quelques années plus tard par Marcel Pagnol.

Colline, Un de baumugnes et Regain seront réunis après coup par Giono sous le titre de Pan.

Ces trois romans commencent à dessiner une image de Giono poète, conteur, chantre d'une vie accordée à la nature, image qui se confirmera avec les écrits des années suivantes. Certains décèleront chez Giono les signes d'une prédication sociale (autarcie de la communauté vivant en relative harmonie avec la nature) en train de se construire, et qui prendra forme dans les livres suivants.

Le serpent d'étoile, description totalement inventée d'une grande fête des bergers, participe de cette vision du monde, avec une dimension cosmique de la situation de l'homme partagé entre les lois de l'univers, de la nature, et ses pulsions, ses désirs. Le serpent d'étoile provoquera quelques incidents; certains lecteurs prendront le texte au pied de la lettre et s'estimeront floués en apprenant qu'il ne s'agit que d'une invention littéraire.

Solitude de la pitié paraît la même année que Regain. C'est le premier des recueils de récits et essais brefs, déjà parus en revue, qui paraîtront sous sa signature au long de sa carrière.

L'année suivante, Le grand troupeau aborde l'expérience de la guerre vécue par Giono. L'idée de troupeau renvoie à la fois à la troupe militaire et au troupeau de moutons, les deux étant mis en parallèle dans le livre. L'histoire de ce livre met en lumière la naïveté, l'insouciance dont faisait parfois preuve Giono en certaines circonstances, et qui auront plus tard des conséquences plus néfastes pour lui. Giono signe en effet deux contrats avec deux maisons d'éditions différentes, Grasset et Gallimard. La situation finira par s'arranger, Giono donnera alternativement un texte à l'une puis à l'autre maison d'édition, mais cet incident met bien en relief ce trait de la personnalité de Giono, la difficulté à dire non, le désir de satisfaire tout le monde, un engagement parfois spontané, irréfléchi.

En 1932, paraît Jean le bleu, un récit largement autobiographique, qui fait une grande place à la figure paternelle et témoigne de l'admiration de Giono pour son père, sa sérénité, sa générosité. Mais l'invention, le romanesque, se mêlent intimement aux éléments autobiographiques dans ce récit lyrique.

Avec Le chant du monde, Giono revient au roman pur, roman d'aventure, roman épique, dans lequel les éléments naturels ont encore une grande place (le fleuve, la faune).

On peut voir dans Le chant du monde la fin d'une période, celle des romans aux dénouements heureux. Celle, également, où Giono se veut avant tout écrivain, sans engagement social ou politique. En cette période où l'on commence à sentir poindre la menace d'une guerre, Giono commence à agir, à s'engager. Il participe à des réunions en faveur de la paix, puis adhère à l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires, proche des communistes, écrit dans Vendredi, journal dirigé par Jean Guéhenno. Mais bien qu'homme de gauche, à tendance libertaire, voire anarchisante, souvenir de son père, Giono reste avant tout pacifiste. L'évolution des communistes en faveur du réarmement le rebute, et en 1935 il s'éloignera d'eux.

Que ma joie demeure, qui paraît en 1935, est une étape marquante dans le cheminement de l'auteur. Le bonheur, la vie communautaire heureuse, se heurtent ici aux désirs de l'homme, à ses passions. Le pessimisme fait son entrée dans l'oeuvre. Le roman est cependant très bien reçu par le public et aura un impact profond, en particulier chez la jeunesse; c'est un livre qui consolidera l'image d'un Giono sorte de prophète, et qui contribuera au développement de ce que certains appelleront ensuite le gionisme, phénomène qui va prendre de l'ampleur dans les années qui suivent, jusqu'à l'irruption de la deuxième Guerre mondiale.

Giono se défendra toujours de prêcher; chacun doit faire son propre compte, dit-il. Cependant, il tente, à cette époque, de faire passer des messages. Dans ses livres, dans sa vie quotidienne, avec l'aventure du Contadour en particulier.

C'est le premier septembre 1935 qu'a lieu le premier séjour au Contadour. Dans les collines de Haute Provence, une quarantaine de jeunes gens suivent Giono pendant une quinzaine de jours. Vie simple, discussions, lectures, vent de liberté. Giono, qui à l'origine ne voulait que faire connaître la nature, se retrouve, plus ou moins malgré lui, considéré comme l'animateur de ces séjours. Il y en aura neuf jusqu'en 1939. Giono et Lucien Jacques fondent les Cahiers du Contadour. Sept numéros paraissent, peu diffusés.

En 1936, l'essai Les vraies richesses, qui suit et prolonge en quelque sorte Que ma joie demeure, réaffirme l'idéal de la communauté rurale et appelle à une révolte contre la société industrielle capitaliste, contre la ville et la machinisme qui détruisent les "vraies richesses".

Le poids du ciel (1938) est également un plaidoyer pour la nature et contre la guerre et les dictatures.

D'autres "messages" (regroupés par la suite dans le recueil Écrits pacifistes) paraîtront sous la plume de Giono durant ces années qui précèdent la guerre: Refus d'obéissance, Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, Précisions, Recherche de la pureté.

Dans ces années d'avant-guerre, Giono milite activement pour la paix. Sa position est intransigeante: ni guerre, ni fascisme, ni communisme. Il s'engage à refuser d'obéir en cas de conflit, une position personnelle, qu'il n'appelle pas à imiter. Cependant, lorsque l'avis de mobilisation lui parvient, Giono se rend à l'appel. Une famille à faire vivre et une oeuvre à poursuivre ont eu plus de poids que sa conscience. Giono est alors arrêté pour cause de pacifisme, et détenu pendant deux mois avant de bénéficier d'un non-lieu.

A sa sortie de prison, il finit la traduction de Moby Dick, d'Herman Melville, qu'il avait entamée avec Lucien Jacques et Joan Smith et qui avait commencé à paraître dans les Cahiers du Contadour. Il écrit également l'ouvrage Pour saluer Melville, une biographie largement imaginaire de l'auteur américain.

Les livres se vendent mal et les revenus s'en ressentent. Quant au comportement de Giono pendant cette période, il sera source de bien des ennuis.
On reprochera longtemps à Giono la publication de Deux cavaliers de l'orage dans La Gerbe, de Description de Marseille le 16 octobre 1939 dans La Nouvelle revue française de Drieu La Rochelle, et d'un reportage photographique sur lui dans Signal (édition française d'un périodique allemand). On lui reprochera également une certaine proximité d'idée avec le régime de Vichy (retour à la terre, à l'artisanat), des "idées" que Giono véhicule depuis bien des années sans pour autant en tirer les conclusions politiques qui seront celles de Vichy. Les idées de Giono se trouvent à nouveau imprimées en 1941 dans Triomphe de la vie.
On parlera moins par contre du fait que Giono a hébergé des réfractaires, des Juifs, des communistes. Ou de l'esprit de résistance qui inspire sa pièce Le voyage en calèche, interdite par la censure allemande.

En 1943, Giono publie L'eau vive, du théâtre. Il écrit Fragments d'un paradis.

A la libération, Giono est arrêté, le 8 septembre 44, et incarcéré. Le Comité national des écrivains l'inscrit sur sa liste noire. Il est libéré cinq mois plus tard sans avoir été inculpé.

Au sortir de la guerre, Giono est un homme désabusé, victime de l'ostracisme de l'intelligentsia de l'édition. Son oeuvre reflète les changements provoqués par cette période troublée et trouve un second souffle, une nouvelle inspiration.
Retranché dans le silence et le travail, Giono se consacre tout entier à ses livres. De 1945 à 1951, il écrit huit romans et des récits.
Angélo, écrit en 1945, publié en 1948, inaugure le cycle du hussard. Mort d'un personnage lui fait suite et précède Le hussard sur le toit commencé en 1946 et achevé en 1951.

Parallèlement au cycle du hussard, Giono inaugure ce qu'il appellera les Chroniques, un ensemble plus ou moins homogène et délimité, qui commence par Un roi sans divertissement (1946). Puis viennent Noé, un roman sur l'écrivain où Giono s'exprime à la première personne, Les âmes fortes, Le moulin de Pologne, Les grands chemins.
Les chroniques, écrites sur des modes narratifs variés, plus courtes que les romans d'avant-guerre, avaient été pensées à l'origine comme une série plus ou moins homogène. En fin de compte, chaque titre est tout à fait indépendant des autres. Le cycle du hussard, quant à lui, possède une unité centrée autour du personnage d'Angélo.

Le Hussard, et son succès, marque la fin de l'ostracisme dont Giono a été victime depuis la fin de la guerre de la part du monde littéraire français.
Jusqu'à sa mort, Giono se consacrera uniquement à l'écriture. Une écriture qui prendra d'ailleurs des formes de plus en plus variées.
Giono donne des textes pour des journaux et des revues (certains de ces textes seront par la suite réunis en volumes: Les terrasses de l'île d'Elbe, Les trois arbres de Palzem, Les Héraclides, La chasse au bonheur).
Il voyage en Italie, le pays de ses origines (Voyage en Italie), en Écosse, en Espagne.
En 1954, il assiste au procès Dominici, vieux paysan accusé du meurtre de trois touristes anglais. Il publiera ses notes d'audiences dans la revue Arts, puis, à la demande de Gaston Gallimard, en volume, accompagnées d'un essai: Notes sur l'affaire Dominici suivies de Essai sur le caractère des personnages.
Il revient au théâtre avec Joseph à Dothan et Domitien. Il travaille également à une adaptation du Chant du monde qui restera inachevée: Le cheval fou.
Giono aborde également un nouveau domaine, l'histoire. Le désastre de Pavie traite de la bataille de Pavie et de la captivité de François 1er. Mais Giono n'est pas historien, et le style du romancier reste présent dans cet ouvrage un peu particulier dans son oeuvre.

Enfin, Giono continue à écrire des romans et des textes de fictions. Entre 1953 et 1957, il écrit le dernier volume du cycle du hussard, Le bonheur fou, un roman historique, mais d'une histoire avec laquelle Giono sait prendre des libertés.
Il retrouve la fiction pure pour L'homme qui plantait des arbres, Les récits de la demi-brigade , Ennemonde et autres caractères, Le déserteur.

En 1965, il met en oeuvre Dragoon, puis, en 1967, Olympe. Il n'achèvera aucun des deux textes. C'est L'iris de Suse qui sera sa dernière oeuvre.

Parallèlement à ses écrits, Giono s'intéresse au cinéma et réalise quelques films.

Au cours de ces dernières années, son travail est ralenti par des faiblesses cardiaques. Il doit se ménager, renoncer à la pipe, aux déplacements. En 1970, ses forces diminuent; il doit être opéré d'une embolie artérielle.

Dans la nuit du 8 au 9 0ctobre 1970, Giono meurt d'une crise cardiaque.

 

 

Lou Paraïs sa maison

 

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La maison Lou Paraïs, est une maison du XVIIIe siècle de Manosque dans les Alpes-de-Haute-Provence. La maison, son jardin et le chemin qui y mène sont inscrits aux monuments historiques depuis le 1er mars 1996. La maison est labellisée "Maisons des Illustres" par le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand et label "Patrimoine du XXe siècle".

En 1929 grâce au grand succès de son premier roman "Colline", Jean Giono achète cette maison et son jardin, l'adresse est à elle seule un manifeste : "Montée des vraies richesses". Située au pied du Mont d'Or, à flanc de coteau, elle livre à la vue les toits et le clocher de Manosque (comment ne pas penser au "Hussard") mais sa position en retrait ne doit rien au hasard. La maison va grandir au fil des ans , sa dernière métamorphose, que n'a pas connue Giono, a permis de relier deux nouvelles pièces par une grande baie vitrée ouverte sur un paysage plus méditerranéen que provençal. Ces deux pièces sont le siège de l'Association des amis de Giono. Le reste de la maison, où vivait encore il y a peu, son épouse centenaire, n'a pas changé. C'est à la fois une maison familiale où ont grandi ses filles, Aline et Sylvie, et une maison d'écrivain, au sens plein du terme. Dans la cuisine toute simple et la salle à manger, on imagine les parfums de daube ou de pieds paquets. L'escalier étroit, qu'à la fin de sa vie le romancier ne pourra plus emprunter (on descendra sa table dans la bibliothèque du rez-de-chaussée), est jalonné de toiles de peintres amis, dont Lucien Jacques, Bernard Buffet, Yves Brayer.

Au deuxième étage veille un ange gris et bleu. A ses doigts, on suspendait les cadeaux des fillètes le jour de Noël. Il est cerné de livres déposés là au gré des envois et des lectures. Libertaire jusqu'au plus intime, Giono ne classe pas ses livres par collection, genre ou thème. Ils sont des milliers, dans un désordre vivant que déplorent les archivistes chargés de l'inventaire de la bibliothèque. Il reçoit tous les polars de la Série Noire, quatre volumes par trimestre, et les lit d'affilée, allongé sur son divan. C'est son "lavage de cerveau". Trois fenêtres, une cheminée, où le poêle ronfle, de bons gros fauteuils de cuir, des objets exotiques rapportés par les amis, du brun, du grenat, de l'ocre, il fait bon vivre dans cette pièce. Quelque chose de masculin aussi, les volutes du tabac de sa pipe se sont dissipées, l'encre d'ébène, jamais trop noire, a séché, mais les dizaines de porte-plume en bois, la page soigneusement calligraphiée, le marteau du père cordonnier, reposent toujours sur la table de repasseuse de sa mère qui lui servait de bureau.

Ses oeuvres, sont toutes présentes au Centre Jean Giono, grâce à l'exposition permanente, la bibliothèque et la vidéothèque, les classes du patrimoine et les randonnées littéraires.  Le Centre Jean Giono, installé dans un bel hôtel particulier du XVIIIe siècle, est à la fois un conservatoire de l’œuvre, et un lieu d’animations et de créations. Il a été créé en 1992, sur l’impulsion de l’Association des Amis de Jean Giono et de la famille Giono.

 

La villa est aujourd'hui habitée par Sylvie Giono et est le siège de l'association les "amis de Jean Giono" (fondée en 1972 par Henri Fluchère et Aline Giono).

 

 

 

  

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 Pour aller plus loin je vous conseille le livre de Sylvie Giono, fille cadette de Jean : "Jean Giono à Manosque - Le Parais, la maison d'un rêveur"

 

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Jean Giono, ce voyageur immobile, a vécu de 1930 jusqu'à sa mort en 1970 au Paraïs, dont il détestait s'éloigner.
C'est l'une des rares, peut-être même la seule maison, où fut écrite toute l’œuvre d'un écrivain. Sa fille Sylvie retrace la vie littéraire et familiale qu'abritèrent ces murs, en nous faisant déambuler de pièce en pièce au rythme des mutations de la maison comme de son père. Anecdotes et extraits littéraires, s'entremêlent pour tracer le portrait d'un homme contrasté et l'atmosphère d'une maison haute en couleurs, où cohabitaient plusieurs générations.
Car Giono avait besoin de calme autant que de la rumeur familiale. Il avait surtout besoin du soutien permanent d’Élise, son épouse, dont Sylvie Giono nous livre ici quelques écrits inédits. Dans le regard de cette fille aimante mais lucide, le Paraïs portait bien son nom car l'âme de ce lieu résidait dans la personnalité de son père " toujours attentif, en même temps que dans ses rêves, ailleurs.

 

 

Centre Jean Giono à Manosque. 

 

Merci à Bruno Poirier et à  Vincent Mespoulet.

 

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13 décembre 2011

Federico Garcia Lorca - Fuente Vaqueros

Biographie de Federico Garcia Lorca

 

screenshot_294"On revient de sa jeunesse comme d'un pays étranger."

Federico García Lorca, poète et dramaturge espagnol, également peintre, pianiste et compositeur, est né le 5 juin 1898 à Fuente Vaqueros près de Grenade et mort le 19 août 1936 à Víznar. Il est l'un des membres de la génération de 27.

Après plusieurs années passées à Grenade, il décide d'aller vivre à Madrid pour rencontrer enfin le succès. Il y devient l'ami de Luis Buñuel, Salvador Dalí et Sanchez Mazas, parmi ceux qui deviendront des artistes influents en Espagne. Là, il rencontre aussi Gregorio Martínez Sierra, le directeur du Teatro Eslava, à l'invitation duquel il écrit et met en scène sa première pièce en vers, El maleficio de la mariposa (Le Maléfice du papillon), en 1919-20. Elle met en scène l'amour impossible entre un cafard et un papillon, avec de nombreux insectes en support. Elle est malheureusement l'objet de moquerie du public, et s'arrête après quatre représentations. Cela refroidit la passion de Lorca pour le théâtre pour le reste de sa carrière, il se justifie plus tard en 1927 au motif que Mariana Pineda était sa première pièce.

Pendant les quelques années qui suivent il s'implique de plus en plus dans son art et dans l'avant-garde espagnole. Il publie trois autres recueils de poèmes, dont Romancero Gitano (1928), son recueil de poèmes le plus connu.

Cependant, vers la fin des années 1920, Lorca est victime d'une dépression, exacerbée par une angoisse due à la difficulté grandissante de cacher son homosexualité à ses amis et sa famille. Cette disparité entre son succès comme auteur et la souffrance de sa vie privée atteint son paroxysme lors de la collaboration des deux surréalistes, Dalí et Buñuel, pour le film Un chien andalou (1929) que Lorca interprète, comme une allusion, voire une attaque à son encontre. En même temps, sa relation intense, passionnée, mais non réciproque, avec Salvador Dalí s'effondre quand ce dernier rencontre sa future épouse. Consciente de ses problèmes (mais peut-être pas de leurs causes) la famille de Lorca s'arrange pour lui faire faire un long voyage aux États-Unis d'Amérique en 1929-1930. Il y a une aventure avec George Lowex .

Son retour en Espagne en 1930 coïncide avec la chute de la dictature de Miguel Primo de Rivera et la proclamation de la République. En 1931, Lorca est nommé directeur de la société de théâtre étudiante subventionnée, La Barraca, dont la mission est de faire des tournées dans les provinces essentiellement rurales pour présenter le répertoire classique. Il écrit alors la trilogie rurale de Bodas de sangre (Noces de sang), Yerma et La casa de Bernarda Alba (La Maison de Bernarda Alba).

Quand la Guerre civile espagnole éclate en 1936, il quitte Madrid pour Grenade, même s'il est conscient qu'il va vers une mort presque certaine dans une ville réputée pour avoir l'oligarchie la plus conservatrice d'Andalousie. Il y est fusillé par des rebelles anti-républicains et son corps est jeté dans une fosse commune à Víznar. Le régime de Franco décide l'interdiction totale de ses œuvres jusqu'en 1953 quand Obras completas (très censuré) est publié.

En 1956 on érige le premier monument à García Lorca. C'est bien sûr, loin de l'Espagne de Franco, en Amérique du Sud, dans la ville de Salto, en Uruguay, grâce à l'initiative de son ami américain, l'écrivain Enrique Amorim. On construit un mur en briques de béton, à la rivière du fleuve Uruguay. Sur la surface du mur on lit le poème de Antonio Machado, qui regrette la mort de García Lorca à Grenade.

Ce n'est qu'avec la mort de Franco en 1975 que la vie et le décès de Lorca sont discutés librement en Espagne. De nos jours, une statue de Lorca est en évidence sur la Plaza de Santa Ana à Madrid. En 2008, la justice espagnole accepte que la fosse commune dans laquelle est enterré le poète soit ouverte dans l’intimité, en présence de la seule famille. Toutefois, de nombreuses controverses existent sur la présence de la dépouille du poète dans cette fosse commune. En effet, des recherches, effectuées pendant plusieurs semaines, en vue d'une exhumation, sont abandonnées le 18 décembre 2009. On ignore si le poète a effectivement été assassiné dans le champ d'Alfacar ou s'il a été transféré dans un lieu inconnu.

 

Fuente Vaqueros sa maison natale

 

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 Au Paseo de la Reina se trouve un lieu de pèlerinage obligatoire pour le voyageur: la Maison de Federico García Lorca, où naquit le poète le 5 juin 1898. Restaurée avec goût et succès et transformée en Musée par la Diputación de Grenade, ses chambres évoquent l’ambiance de sa jeunesse grâce à la décoration et le mobilier, tandis qu’au premier étage, qui était le grenier, se trouve une salle pour les expositions et les actes culturels. Elle garde de nombreux documents écrits, graphiques, et même des outils et trousseaux appartenant au poète ou liés à sa vie et son oeuvre.

 

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Le patronage culturel FGL est l'agence qui gère la maison du poète, celle-ci dépend de la région de Grenade. C'est en 1982 que cette agence a acquis  la maison natale de Fédérico Garcia Lorca et les lieux ont été ouverts au public pour la première fois en 1986. Grâce à l'appui des parents et amis du poète la ferme traditionnelle a été convertie en musée. Au fil des ans ce lieu n'a cessé de s'enrichir avec entres autres l'ouverture d'un centre d'études dédié à Fédérico Garcia Lorca qui depuis est devenu une référence en la matière et permet de découvrir toute la richesse des travaux du poète.

Cette ferme est une ferme typique de la plaine de Grenade. Elle a été construite en 1880, quand Federico García Rodríguez, le père du poète, s'est marié en première noce avec Matilde Palacios. Devenu veuf, Don Federico s'est remarié avec Donna Vicenta Lorca Romero, qui était une de ses maîtresses. Le petit Federico est né dans cette maison le 5 juin 1898, et c'est dans cette ferme qu'il a passé toute son enfance et que s'est développée toute sa sensibilité.

Après la mort de Fédérico Garcia Lorca, la maison était passée aux mains de plusieurs familles et c'est donc en 1982 qu'elle a été rachetée dans le but d'y créer un musée à la mémoire du poète.

Le voyage au sein de cette maison est court mais intense, le visiteur peut flâner dans la salle à manger, la cuisine, les chambres à coucher et l'arrière cour. Les murs blancs comme les pages d'un livre, sont décorés d'objets personnels et dans l'ancienne grange se trouve un hall d'exposition où l'on peut admirer, ses livres, ses poèmes, ses lettres, des dessins et ainsi découvrir une personnalité aux facettes multiples.

 

 

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9 octobre 2011

William Morris - The Red House

Biographie de William Morris

Wmmorris3248"L'éducation: ... quelque chose qui avait été préalablement mâché et digéré d'avance plusieurs fois de suite par une foule de gens qui s'en souciaient comme d'une guigne, à seule fin de le servir à d'autres qui ne s'en souciaient pas davantage".

 

William Morris, est un fabricant designer textile, imprimeur, écrivain, poète, conférencier, peintre, dessinateur et architecte britannique, célèbre à la fois pour ses œuvres littéraires, son engagement politique, son travail d'édition et ses créations dans les arts décoratifs, en tant que membre de la Confrérie préraphaélite, qui furent une des sources qui initièrent le mouvement Arts & Crafts qui eut dans ce domaine une des influences les plus importantes en Grande-Bretagne au XXe siècle.

Tout le long de sa vie, William Morris écrivit et publia de la poésie, des romans et traduisit d'anciens textes du Moyen Âge et de l'Antiquité. Son travail littéraire le plus connu en français est l'utopie News from Nowhere (Nouvelles de nulle part) écrit en 1890. Par son activisme politique, il fut une personnalité clef de l'émergence socialiste britannique en contribuant à la fondation de la Socialist League en 1884, bien qu'il reniât le mouvement à la fin de la même décennie. Il consacra la fin de sa vie à l'édification de l'imprimerie et maison d’édition Kelmscott Press qu'il fonda en 1891. L'édition Kelmscott de 1896 des œuvres de Geoffrey Chaucer est aujourd'hui considérée comme un chef-d'œuvre de conception éditoriale.

William Morris est né à Elm House, Walthamstow, le 24 mars 1834, troisième enfant et premier fils d'une famille de moyenne bourgeoisie aisée d'origine galloise. Son père, William Morris, travaillait comme agent de change pour la compagnie Sanderson & Co. à la Cité de Londres. Sa mère, Emma Morris, née Shelton, fille de Joseph Shelton, professeur de musique à Worcester. Sans être un prodige, il reste un enfant délicat et studieux. "Il ne fut guère remarquable que par son grand amour de la lecture". Il apprend à lire très jeune et dès l'âge de quatre ans il est émerveillé par les Waverley Novels de Walter Scott qu'il à déjà lus en grande partie et qui furent une impulsion pour ses poèmes d'inspiration médiévale. Il a six ans en 1840, lorsque sa famille s'installe à Woodford Hall ouvert sur de plus grands espaces. Des cours trop réguliers lui sont épargnés afin de ménager sa santé, ce qui lui permet de mener une vie de plein air qui lui donne force et vigueur. Vêtu parfois d'une panoplie de chevalier en armure, il se promène à cheval et apprend par l'observation de la nature dans la forêt d'Epping.

"La forêt lui fut une amie, il ne tarda pas à en connaître tous les sites, tous les chemins, il essayait d'y surprendre les troupeaux de daims qui y vivent. En retour elle l'initia à la beauté. Inconsciemment sans doute, mais sûrement, il commença à sentir le charme profond de la nature, et toute son œuvre de poète et d'artiste devait en être pénétrée. Sans comprendre toute la mystérieuse beauté de la forêt il apprit à l'aimer. Elle fut son premier maître, un magister point pédant, sans rien de rébarbatif ni d'austère, dont les leçons s'égayaient de chants d'oiseaux, de soleil et de parfums sous les arbres, et qui lui apprit à regarder de près et avec sympathie les bêtes et les plantes. C'est peut-être à cette habitude d'observation précise, contractée dès l'enfance que nous devons la frappante vérité de ses décorations florales." 

Lecteur vorace, il lit tout ce qui lui tombe sous la main et se passionne pour les Mille et une nuits ou les illustrations de l'herbier de John Gerard. Jusqu'à l'âge de neuf ans, il suit l'enseignement donné par la gouvernante de ses sœurs, avant d'entrer dans une école préparatoire pour jeunes gentlemen de Walthamstow en 1843 où il travaillera médiocrement pendant quatre années. Il a treize ans en 1847, lorsque son père décède, laissant la famille dans une grande aisance matérielle. Les Morris quittent Woodford, jugée désormais trop grande, et le jeune garçon entre à l'internat de Marlborough College en février 1848, où son père avait payé pour qu'on lui réserve une place. Pendant les trois années où il y reste, il tire peu de profit des leçons de français, de latin ou de mathématiques et ne prend goût qu'à l'architecture, grâce aux ouvrages de la bibliothèque, et un certain penchant pour l'anglo-catholicisme qui lui donne la vocation de devenir prêtre. Ses résultats sont médiocres et à Noël 1851, sa famille le retire de Marlborough et le confie aux soins d'un tuteur privé, le révérend F. B. Guy, plus tard chanoine de Saint-Alban, qui disposera d'une année pour le préparer à l'entrée à l'université.

Après des études universitaires de théologie à Exeter College (Oxford), il songe à entrer dans les ordres. Il y fait la connaissance d'Edward Burne-Jones. Les deux hommes se lient d'une amitié qui durera toute leur vie et que cimente une passion commune pour la création artistique. La lecture de Thomas Carlyle, de Charles Kingsley et de John Ruskin le persuade de se consacrer à l’art. Étudiant en architecture, puis en peinture, il rencontre Dante Gabriel Rossetti et les artistes de la "Confrérie préraphaélite" en 1856, ce qui le détermine à consacrer sa vie aux arts décoratifs, à la fois comme créateur et comme homme d’affaires. En 1859, il se marie avec le modèle Jane Burden, dont il a deux filles.

La contradiction entre les aspirations socialistes utopiques de Morris et ses activités de créateur d’objets de luxe, accessibles uniquement à une clientèle de grands bourgeois victoriens, reste encore problématique aujourd'hui. L'explication peut se trouver dans les théories socialistes elles-mêmes, qui visent à démocratiser l'art et ses savoir-faire sous toutes ses formes, afin que l'ouvrier devienne artisan et artiste. La pleine réalisation de l'être humain ne peut s'effectuer, selon Morris, que dans la création d'objets et de meubles beaux et pratiques. Soustraite aux impératifs impérialistes de rentabilité et de rapidité, la fabrication des éléments nécessaires à la vie quotidienne devient un plaisir en soi et la raison d'être d'une vie libre et épanouissante. Le souhait de Karl Marx, "de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins" se trouve ainsi réalisé, dans l'abolition de l'anarchie économique que provoque le capitalisme (concurrence, faillites, chômage...).

Morris connut en son temps la célébrité en tant qu’auteur littéraire. Son premier recueil de poésie, The Defense of Guenevere, n’obtint pas un grand succès et il ne fut véritablement reconnu comme poète que grâce à The Earthly Paradise en 1870. Il fut également l’auteur de traductions de sagas islandaises, telle que Sigurd the Volsung, et d’autres textes classiques.

Ses principales fictions romanesques, ou romances en prose , sont A Dream of John Bull, The Well at the World’s End et l'utopie socialiste News from Nowhere, parue en 1890. On le considère souvent comme le père de la fantasy, The story of the Glittering Plain, The Wood Beyond the World, The Well at the world's End et The Water of the Woundrous Isles ont influencé l'œuvre de Tolkien.

Il mit aussi son talent d’écrivain au service de ses convictions politiques, comme dans son ouvrage Les Arts décoratifs, leur relation avec la vie moderne.

C'est en 1876 que William Morris fait son entrée en politique en acceptant le poste de trésorier de l'Eastern Question Association. En 1883, déçu par les libéraux, il rejoint les socialistes de la Social Democratic Federation, puis fait partie du groupe de militants qui fonde la Socialist League en décembre 1884 pour s'opposer à l'orientation réformiste de la SDF. L'existence de la Ligue est éphémère et elle disparaît en 1890 après avoir connu des conflits internes.

Pendant les années 1880-1890, Morris n'eut de cesse de parcourir la Grande-Bretagne en tant qu'activiste socialiste, alternant conférences et discours. Il prônait l'amélioration de la qualité de la vie des travailleurs manuels, de la classe ouvrière tout entière, grâce à l'éducation et les loisirs, avec, en particulier, l'enseignement des arts appliqués. Il considérait la guerre entre le capital et le travail comme le sujet essentiel de toute réflexion sur la société contemporaine. Il s'insurgeait contre le côté philistin de la société victorienne qui le faisait désespérer d'un possible épanouissement de l'art dans le système capitaliste basé sur le profit et la production de masse dénuée de qualité.

Il fut un ardent défenseur de l'environnement et du patrimoine architectural. Sa défense de la terre et ses attaques contre la répartition pernicieuse des biens anticipaient, à maints égards, les revendications écologistes. C'est en particulier à cause de son écologisme radical qu'il sera re-découvert par une partie de l'ultra-gauche française.

"Oui : il faut encore que les ouvriers prêtent main forte à la grande invention industrielle de l'époque : la falsification, et qu'ils s'en servent afin de produire pour eux-mêmes un simulacre dérisoire du luxe des riches ! Car les salariés vivront toujours comme l'ordonnent leurs payeurs, et le mode de vie qu'ils ont est celui que leur imposent leurs maîtres."

"Mais c'est perdre son temps que de vouloir exprimer l'étendue du mépris que peuvent inspirer les productions de cet âge bon marché dont on vante tellement les mérites. Il suffira de dire que le style bon marché est inhérent au système d'exploitation sur lequel est fondé l'industrie moderne. Autrement dit, notre société comprend une masse énorme d'esclaves, qui doivent être nourris, vêtus, logés et divertis en tant qu'esclaves, et que leurs besoins quotidiens obligent à produire les denrées serviles dont l'usage garantit la perpétuation de leur asservissement."

Partageant les vues de John Ruskin, qu'il contribue fortement à populariser, William Morris s'engage à ses côtés pour prôner la "non-restauration". Il étend la réflexion de Ruskin aux architectures non-nobles, et diffuse l'idée que la restauration est une perte d'authenticité pour l'œuvre. En 1877, il crée la Society for the Protection of Ancient Building, qui s'attache au respect du monument comme document historique et souhaite l'étendre, au-delà du Moyen Âge, à toutes les périodes.

La première décoration d'intérieur dont Morris se chargea fut celle de sa propre demeure "Red House" construite en 1859 par Philip Webb pour le jeune couple à Bexleyheath, alors en pleine campagne avant de devenir par la suite un faubourg de Londres. À l’Exposition universelle de Londres en 1851, Morris avait été surpris par la laideur des objets présentés : en effet, selon lui, la révolution industrielle en standardisant la fabrication des objets avait mis en avant la notion de profit, au détriment de l’esthétique et de la qualité du produit.

La firme Morris, Marshall, Faulkner & Co, créée en 1861 avec l’aide de Ford Madox Brown, Charles Falkner, Burne-Jones, Rossetti et Philip Webb, acquit rapidement une excellente réputation pour la fabrication de vitraux ainsi que pour sa production de papiers peints et textiles. Elle devint ultérieurement Morris & Co.

En 1888, la première exposition de l'Arts and Crafts Exhibition Society, société issue de l'Art Workers Guild (regroupement d'architectes, artisans d'art, peintres et sculpteurs) ne présentait que neuf créations de Morris & Co. Selon le biographe de Morris, J.W. Mackail, peu de membres de ladite société auraient à l'époque imaginé l'influence à venir de William Morris. 

Ses créations sont indissociables des passions qu'il partageait avec ses amis préraphaélites, en premier lieu avec Burne-Jones, tant pour les primitifs italiens que pour l'art du Moyen Âge, sans compter leur aversion commune pour la laideur du goût bourgeois victorien. 

En devenant éditeur et imprimeur, William Morris applique sa même exigence dans la réalisation des 66 livres imprimés par sa Kelmscott Press, et la création de nouveaux caractères d’imprimerie. Recherchant un caractère lisible et élégant, et qui lui permette de se distinguer de la production éditoriale de l'époque, il devient, à près de soixante ans, créateur de caractères. Mais il fréquente depuis sa jeunesse les bibliothèques et les manuscrits médiévaux, il a pratiqué la calligraphie, recopiant incessamment textes et enluminures, et les recueils de sa main qui ont été conservés étonnent toujours. Il étudie les créations du vénitien Nicolas Jenson, dessine lui-même des caractères et s'inspirant finalement d'un proche de Jenson, Jacques Le Rouge, pour créer le Golden Type (1891), primitivement destiné à une édition de la Légende dorée. Puis, désireux de se rapprocher de modèles plus anciens, et mû par son goût pour le médiéval, il crée une gothique arrondie, le Troy Type. Ce caractère se révélant trop massif pour son projet d'éditer les œuvres de Chaucer, il en dessine une version réduite, le Chaucer Type. Il cherche encore à travailler une nouvelle police, là encore d'après les prototypographes venus d'Allemagne en Italie, mais il n'arrive pas à l'achever. Ses travaux, repris par l'Ashendene Press, donneront le caractère Subiaco.

Ce n'est qu'après de nombreuses années que Morris apparaît clairement comme l'initiateur des mouvements Arts and Crafts – arts décoratifs et artisanat d'art – en Grande-Bretagne et outre-Manche. Aux États-Unis, en 1883, Morris expose des tapisseries à la Foreign Fair de Boston. La Morris & Company travaillait déjà depuis une dizaine d’années à Boston dans la fourniture de papiers peints. En France et en Belgique, il inspire notamment la mouvance Art nouveau. On peut souligner au passage l'anti-sexisme de celui qui promouvait le travail des artisans hommes ou femmes avec un même enthousiasme. 

Selon Fiona Mc Carthy, ce n'est que bien des années après sa mort que l'influence de Morris, l'impact de son œuvre, purent être mesurés. En 1996, pour le centenaire de sa mort, à l'occasion de l'exposition organisée conjointement par la William Morris Society et la Society of Designer Craftsmen, Fiona Mc Carthy exprima son émerveillement de l'épanouissement de l'artisanat d'art en général, un siècle après la disparition de Morris, et son admiration pour la survie inespérée des arts décoratifs et artisanats d'art, compte tenu du déplorable contexte politique, environnemental et commercial actuel.

En mai 2011, la nation britannique a rendu un hommage à William Morris , à travers l'édition d'une série de timbres par la Royal Mail, à l'occasion du 150 anniversaire de la création de la firme Morris, Marshall, Faulkner & Co.

 

Sa maison the Red House

 

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La Red House est le symbole du mouvement Arts & Crafts. Elle a été créée par William Morris et Philip Webb en 1859 au sud-est de Londres, à Bexleyheath.

Le nom de "Red House" provient de l'utilisation de briques rouges avec, pour la première fois, une structure organique de la maison : c'est la disposition des pièces qui implique la structure de la façade. Tous les éléments sont artisanaux.

C'est aussi l'un des premiers témoignages d'une évolution vers l'Art nouveau, qui se prolonge par l'ouverture d'un magasin (dès 1861) proposant, pour la première fois, à la vente tous les éléments de décoration d’une maison. Il associe à sa démarche artistes et artisans sans faire de distinction.

 

C'est en 1859 que Morris commande, pour lui-même et sa femme Jane Burden, à son ami et confrère Philip Webb une maison, qu'il conçoit avec une grande simplicité décorative et une remarquable franchise dans l'emploi des matériaux. Il refusait d'installer sa femme dans un environnement de "laideur immorale" que proposaient les magasins d'ameublement.

La maison a été entièrement bâtie par Morris et ses amis de façon non industrielle. L'ensemble a été perçu par ses contemporains comme un manifeste artistique. Pour la première fois, une structure organique (continuité entre paysage et bâtiment)est créée. On notera aussi le début du fonctionnalisme (c'est la disposition/fonction des pièces qui influe la structure de la façade).

Cette maison a été un lieu de rassemblement social pour les jeunes rêveurs d’inspiration préraphaélite.

Le National Trust a acquis la maison en 2002 et s’employa à la restaurer au plus proche possible de sa splendeur d'antan.

La maison est ouverte au public depuis 2004.

 

 

La maison :

 

Le plan de la maison est formé par une série de pièces connectées entre elles par un long corridor et construit en forme de L, avec à l'extérieur une cour agencée autour d’un puits. Ce plan de maison était révolutionnaire: l’idée de Ruskin que l’architecture était telle que la fonction de chaque pièce devait être immédiatement visible de l’extérieur entrait en contraste avec le Classicisme où les pièces étaient arrangées de manière à suivre les conventions établies par l’apparence externe. Il n'y a aucune symétrie dans cette maison, du fait du fonctionnalisme, du coup on trouve des formes allongées ou carrées, des enfoncements ou des saillies, et différentes sortes de fenêtres. 

Par son architecture organique : les pièces font la structure et non l'inverse où on bâtit  la maison comme un cube et après on définit les pièces. La preuve la plus probante en est les fenêtres dont la forme et la disposition répondent aux besoins spécifiques de la pièce qu'elles doivent éclairer. Au premier étage, le bureau de Morris reçoit le soleil par 3 larges ouvertures qui ont pour but d'éclairer au mieux son bureau

 

Elle est constitué de 2 niveaux, 4 cheminées, en forme de L surmontée par des tours et de nombreux gâbles, elle est en brique rouge. Ce sont tous ces éléments qui permettent de placer la Red House dans la continuité des idées passéistes de l'époque. En effet elle reflète largement dans sa structure le gothique italien, gothique particulier qui accepte le décor gothique avec les lancettes, les arcades mais qui préfère la clarté de l'art roman et renonce de ce fait à la verticalité. De hauts toits de tuiles soulignent les volumes trapus et cassent l'élévation verticale que pourrait prendre la maison.

Pour Webb,la Red House  fut simplement la première d’une série de maison dans lesquelles il essayait d’amener un style historique et authentique à travers l’expression directe de matériaux du coin et de travaux d’artistes. Webb adopta le Gothic Revival, créé par Pugin et Butterfield, avec l'emploi de tuiles d’argile, de briques en encorbellement, d'arches en briques poncées et d'ouvertures circulaires comme moyen d‘exprimer une forme flexible dans un style local. La maison est entièrement construite en briques rouges industrielles non enduites et donc apparentes telle une usine. Mais loin de faire penser à une usine, elle rappelle les cottages traditionnels anglais. En ce sens la Red House est inscrite dans la tradition.

La porte d'entrée principale est plus formelle que le reste de la maison. Exemple probant de l'emboîtement et de la variété des angles et des niveaux. Elle fait penser aux vieux portails des écoles telles que Cambridge ou Oxford. C'est une porte encastrée profondément sous une arche en briques imposante, avec des mosaïques de petits vitraux.  Un style médiéval apparent, une porte massive ornée de gonds et d'une poignée en fer.

Les fenêtres sont les atouts majeurs de la Red House, elles animent les façades asymétriques. On peut tout d'abord observer leur variété : en saillie que l'on appelle oriel, des oculi, des fenêtres larges combinées à de plus étroites, ainsi que plusieurs œil de bœuf. Tout ceci donne une façade hétéroclite qui conserve néanmoins une certaine unité. En effet, les fenêtres sont toutes encastrées et sont dites modernes avec du fer qui se mêle au bois peint en blanc. Les rebords des fenêtres sont en pente afin de permettre à l'eau de pluie de s'écouler. Cette recherche pratique rappelle que la formation initiale de Webb était architecte.

 

Un oriel (bay-window ou bow-window  par anglicisme) est une avancée en encorbellement   aménagée sur un ou plusieurs niveaux d'une façade. Ce dispositif architectural est devenu populaire avec le style néogothique puis, en Grande Bretagne, avec l'architecture victorienne de la fin du XIXème siècle. L'avantage de ce type de construction, outre le traitement esthétique de la façade du bâtiment par son volume, est de procurer un peu plus de clarté et de chaleur solaire à l’intérieur. Ici, l'oriel qui descend jusqu'au sol (novateur et inattendu) crée un effet de parallélisme avec la cheminée qui, elle, monte. 

 

Les fenêtres de la maison comptent parmi les caractéristiques les plus inhabituelles de la maison parce qu’elles sont positionnées plus en fonction de l’arrangement interne des pièces et du besoin de lumières qu'en fonction de l’apparence extérieure. 

 

Enfin c'est une maison tout en détail, la girouette avec les initiales WM, la date 1859, le dessin d'une tête de cheval fait référence aux idéaux médiévaux de la chevalerie. 

La structure moderne apparaît dans l'emboîtement des formes qui est souligné par les fenêtres mais pas seulement. La modernité se définirait ici non pas dans les influences ou la réinterprétation de styles passés mais dans le fait que Morris et Webb se sont posées des questions essentielles et basiques sur la nature même de l'architecture : sa fonction, les matériaux, la connaissance accrue des arts mineurs de l'artisanat, le plan et la beauté.

 

Le jardin :

 

Fait partie intégrante de la maison. Il n'échappe pas à la division fonctionnelle : un jardin aromatique, un potager, un jardin fleuri avec des fleurs traditionnelles comme le jasmin, la lavande, le coing et un verger avec pommes, poires et cerises. Il a été conçu en même temps que la maison, comme le montre l'inscription de la Red House dans le paysage, c'est donc une vision moderne de l'architecture en réaction aux édifices néo-grecs que l'on plante au milieu d'un boulevard du XIXè siècle par exemple.

Les plantes grimpantes comme le lierrei ont été voulues par Morris et Webb et relient la maison au jardin et vice-versa. Il y a donc continuité et unité du paysage.

 

L'intérieur de la maison :

Dialogue entre modernité et tradition comme à l’extérieur. C'est un lieu encore empreint de la tradition. Morris veut s’imprégner du Médiéval mais il ne veut pas l’imiter, en cela il n'applique pas l'idéologie de Ruskin. Ce dernier avait tendance à vouloir plaquer le style gothique sur la société du XIXème, Morris jugeait cela contraire à l’esprit de création. Dans la Red House, on trouve des pinacles en forme de tour sur la rampe des escaliers, des créneaux dans le recoin dans l’entrée, des tours sur les pieds des tables.

 

 

Les peintures préraphaélites présentes dans toute la maison furent peintes essentiellement par Burne-Jones.

(Rappel sur le Préraphaélisme : mouvement artistique né au Royaume Uni en 1848. Pour ses partisans, l'art anglais était sclérosé par le conformisme académique victorien. Ils souhaitaient retrouver les tonalités claires, vives et chantantes des primitifs italiens (d’avant Raphaël). Les préraphaélites aspiraient à agir sur les mœurs d’une société qui, à leurs yeux, avait perdu tout sens moral depuisl a Révolution industrielle. Ils privilégiaient le réalisme, le sens du détail et les couleurs vives. Ils limitaient les effets de profondeur et de volumes avec peu de jeux d’ombres et de lumière. Leurs sujets de prédilection étaient les thèmes bibliques, le Moyen Age, la littérature et la poésie.)

Les tentures, et broderies ont été conçues selon la méthode médiévale. Les textiles exigent une abondance de détails, caractéristique particulière d’un Art médiéval pleinement développé.  Il est fort probable que le goût de Morris pour les textiles médiévaux soit né lors de son bref apprentissage avec GE Street. Street fut  un ardent défenseur de l'abandon du difficile travail de laine sur toile en faveur des techniques de broderie plus expressives fondées sur l'Opus Anglicanum (ou English Work : terme contemporain pour désigner le travail dans l’Angleterre du Moyen Age qui consistait à faire des habits, tentures ou autres tissus. Ce travail était à l’origine fait par des nonnes puis par des professionnels qui faisaient leur apprentissage pendant 7 ans dans un atelier laïc). 

Morris lui-même a appris la broderie, travaillant de la laine sur un métier à tisser à partir d'un modèle ancien, et une fois la technique maîtrisée, il a formé son épouse Jane, sa sœur Bessie Burden ainsi que bien d'autres pour exécuter des créations. Suivant les pas de Street, Morris est devenu actif dans le mouvement croissant qui était de retourner à l'originalité et à la maîtrise de la technique de la broderie (alors art mineur). Il fut l'un des premiers concepteurs associés à la Royal School of Art et à son objectif de "rétablir les travaux d’aiguilles ornementaux à des fins laïques à la haute place qu’elle tenait parmi les arts décoratifs".

Dans la Red House on peut aussi noter la présence de faïence de style Delft, notamment les carrelages de la cheminée de la salle à manger.

(Rappel sur le style Delft : La faïence de Delft fut produite par les manufactures hollandaises de la région de Delft à partir du XVIIe siècle, l'âge d'or hollandais, de 1640 à 1740 environ. C'est une porcelaine essentiellement blanche et bleue.)

On trouve aussi l'influence victorienne de son temps,  au dessus de la cheminée du salon du premier étage, il y a une phrase inscrite en latin : "Ars Longa Vita Brevis" (L’art est long, la vie est courte) c'est un exemple typique de textes qui ont proliféré dans les riches maisons victoriennes.

Le décor gothique italien est présent par le jeu de profondeur des corridors et des pièces qui gagnent du volume grâce aux plafonds avec poutres apparentes ainsi que par la présence de motifs au plafond. Ces poutres nous rappellent l'esprit roman qui prône l'horizontalité et les bandes alternées. De même, la multiplicité des arcades avec des arcs brisés (gothique) parfois combinées avec un arc surbaissé (roman) renforce ce décor gothique. Enfin, le travail du vitrail qui est, rappelons-le, un art mineur qui a connu son apogée avec le gothique des cathédrales et églises, est ici très présent, avec notamment des représentations de l'Amour et de la Nature.

 

Néanmoins malgré tous ces apports anciens une modernité commence à apparaître. Les poutres du plafond sont apparentes, ce qui donne un aspect spectaculaire à la pièce. Le choix du mobilier tranche nettement avec celui de l'époque, où le matériel domestique manufacturé n'était pas très esthétique dans les logis modestes au contraire des habitations aristocratiques où l'on trouvait de bien folles extravagances avec des pièces uniques élaborées spécialement. C'était aussi l'époque reine du faux et du toc, du plaqué ou du hors norme. Dans la Red House, le mobilier s’intègre parfaitement à la maison, il est authentique et possède une certaine valeur, les meubles sont faits à la main par des personnes différentes.

 

La créativité de Morris est née de sa politique socialiste. Il prônait l'amélioration de la qualité de la vie des travailleurs manuels, de la classe ouvrière tout entière, grâce à l'éducation et les loisirs, avec, en particulier, l'enseignement des arts appliqués. Il s'insurgeait contre le côté borné de la société victorienne qui le faisait désespérer d'un possible épanouissement de l'art dans le système capitaliste basé sur le profit et la production de masse dénuée de qualité. 

Bien que Morris n’ait jamais exercé son métier d'architecte, son intérêt pour l'architecture est resté présent tout au long de sa vie. En 1877, il fonda la "Société pour la protection des bâtiments anciens" (parfois appelé "Anti-Scrape"). Un autre aspect du préservationnisme de Morris était son désir de protéger le monde naturel des ravages de la pollution et de l'industrialisation.

Son goût pour le passé allait à l’encontre de la vision progressiste développée par Marx et Engels. Morris adhérait à une vision idéale du futur et de la société. Il en revenait néanmoins, dans les thèmes et dans les formes, aux arts médiévaux et antiques. Herbert George Wells, écrivit "Morris is altogether more ancient and more modern". 

Pour Morris, le retour au Moyen-âge semble s’accompagner d’un retour à la nature. Opposé au goût victorien, William Morris ne l’est pas moins aux industries qui aliènent les hommes et enlaidissent le paysage. Toutefois, Morris ne se fait pas l’ennemi du progrès, mais bien des conséquences néfastes de l’évolution de la société, et par là de l’omniprésence du béton et de l’acier. 

L’illustration pour son livre The Wood beyond the World, faite par Morris lui-même transpose bien son idéal de communion entre homme et nature. On y voit une femme marchant pieds nus dans de l’herbe qui s’infiltre entre ses orteils et dont les brins entourent ses chevilles, non pour les lier mais pour les épouser. La robe de la femme est ceinte de branchages ainsi que sa tête. Derrière apparaissent les arbres d’une probable forêt. La dynamique verticale de l’image réunit la femme et les arbres, ainsi que les formes courbes qui les composent. C’est donc très naturellement que Morris, introduit dans ses productions artistiques la nature. Les feuilles, les fleurs, sont un motif récurrent dans ses papiers peints et de ses tapisseries.


Le Moyen-âge des œuvres de William Morris n’est pas un Moyen-âge réaliste, une peinture conforme de la vie en ces siècles, mais bien un temps idéalisé. S’il choisit de dépeindre ce monde légendaire, c’est bien pour offrir à ses lecteurs évasion et rêve, pour offrir à l’ouvrier victorien un espoir dans un monde devenu pragmatique et matérialiste.

La Red House renoue avec les valeurs de modestie, de franchise et d'humanité, c'est là que figure son sens esthétique selon Edward Hollamby, architecte du XXème  qui croit fondamentalement en l'architecture publique. La maison est entièrement créée de façon non industrielle, chaque produit, objet, meuble est unique et fait de façon artisanale. Vivre dans la maison de Morris signifie être entouré de produits faits main d’une grande beauté et fonctionnalité.  Cette maison comporte des peintures au plafond faites par Morris, des tentures murales conçues par Morris et travaillées par lui et Jane, des meubles peints par Morris et Rossetti, des peintures murales et des vitraux  conçus par Burne-Jones.

 

Pour Morris, la question du travail est réellement importante, car c’est par son travail que l’homme se définit, c’est grâce à lui qu’il se forge une identité. Mais par travail, Morris n’entend pas le travail des usines, mais bien une réalisation, une création, de l’homme pour lui-même et qui profitera à la communauté. Il soutenait que la laideur des produits du premier âge de l’industrie n’était pas le résultat d’une volonté délibérée de laideur, mais "le reflet de la condition sordide et du dénuement qu’ils (les bourgeois) imposent aux pauvres". Il est animé par une "haine de la civilisation moderne" ce qui lui fera trouver refuge dans le médiévalisme.

Morris rejetait la production de masse qui donnait selon lui des produits de mauvais goût et de mauvaise qualité… Il relança les vieux métiers et les traditions en se replongeant lui-même souvent dans des textes historiques ou en dénichant des artisans chez qui il pourrait apprendre des arts mourants (tissage, verres teintés, teinture, broderie, travail du métal ou la typographie). 

Le travail de Morris rendit floue la limite entre l’Art et les métiers/artisanat. Il fut considéré comme le père du mouvement A&C. 

En 1861, Morris lançait à Londres, à Red Lyon Square, l’idée du premier magasin d’ensembles mobiliers et d’accessoires de décorations, où tous les principaux préraphaélites se trouvaient réunis : "les arts décoratifs", firme de Morris, Marshall, Faulkner & Co. fut donc fondée avec Morris, Rossetti, Burne-Jones, Ford Madox Brown et Philip Webb en tant que partenaires, en collaboration avec Charles Faulkner et Peter Paul Marshall, c'était une entreprise de décoration qui réunissaient aussi des artistes, en vue de rétablir la décoration, jusqu'aux plus petits de ses plus de détails, comme l'un des beaux-arts. 

Le principe de l’entreprise était de créer de  la sculpture, du vitrail, le travail des métaux, les papiers de tenture, du chintz (tissus imprimés), et des tapis. La décoration des églises a tenu dès le début un rôle important dans l'entreprise. Ce travail fut présenté par la firme à l'Exposition internationale de 1862. 

Morris voulait que son art en réponse à l’industrialisation soit un art pour tous, même pour les plus pauvres (notion d’art social) mais cela n'a pas fonctionné dans ce sens, il est apparu que c'était plus un art bourgeois car les produits étaient plus chers que les industriels. Cette dualité se retrouve dans la Red House en ce sens que les meubles et autres tissus décoratifs qui par la suite seront commercialisés étaient trop chers. L'Arts & Crafts n'est un art pour tous qu'à un niveau théorique, concrètement il est un art pour les classes aisées et instruites.

 

 

 

 

 

 

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LOCALISATION DE LA MAISON :

 

 

 

 

 

27 septembre 2011

Victor Hugo - Villequier

Biographie de Victor Hugo

victor_hugo_1853"Que reste-t-il de la vie, excepté d'avoir aimé ?"

 

Victor Hugo est né le 26 février 1802, à Besançon. Il est le dernier fils d’un général d’Empire, le comte Léopold Hugo. Sa mère, née Sophie Trébuchet, élève seule ses trois enfants à Paris, son mari s’éloignant au gré de ses obligations militaires, en Corse puis à l’île d’Elbe en 1803. Victor et ses frères passent leur enfance à lire et à se cultiver grâce aux bons soins maternels, notamment au parc des Feuillantines près duquel la famille Hugo s’est installée au mois de mai 1809. Celle-ci doit cependant quitter la France et suivre en Italie en 1808 le comte Léopold Hugo, nommé gouverneur d'Avellino par le roi Joseph Bonaparte, puis en Espagne en 1811.

Avec la chute de l’Empire, Léopold Hugo est de retour à Paris. Victor et son frère Eugène sont alors retirés à leur mère, séparée de fait depuis quelques années d’avec son mari, et placés à la pension Cordier. Selon les vœux paternels, ils se destinent à intégrer l’École Polytechnique. En 1816, Victor entre ainsi au Lycée Louis le Grand, délaissant parfois ses études pour rédiger des vers. Il obtient en 1818 une distinction en sciences physiques au Concours général. La même année, une procédure de divorce prononce enfin la séparation de corps et de biens des époux Hugo.

Encouragé par sa mère chez laquelle il peut enfin résider, Victor s’adonne alors aux lettres avec l’ambition de réussir. "Je serai Chateaubriand ou rien", écrit-il à l’âge de quatorze ans sur un cahier d’écolier. En 1817, il reçoit les encouragements de l’Académie Française, qui a remarqué l’un de ses poèmes. En 1819, le Lys d’or lui est décerné pour la rédaction d’une ode d’inspiration royaliste : le jeune homme milite pour le rétablissement de la statue d’Henri IV... Ce prix est la plus haute récompense décernée par l’Académie des Jeux floraux de Toulouse.

Au mois de juin 1822, Victor Hugo publie son premier volume intitulé "Odes et Poésies diverses". Cette œuvre le fait remarquer des cercles royalistes. Louis XVIII lui attribue une pension de mille francs, obtenue à la demande de la duchesse de Berry. Les années qui suivent sont très prolifiques pour l’écrivain. Les recueils de poèmes, "Nouvelles Odes" en 1824, "Ballades" en 1826, ainsi que les romans, "Han d’Islande" en 1823 et "Bug Jargal" en 1826 se succèdent. Charles X, le nouveau souverain, le fait chevalier de la Légion d’honneur en 1825, alors qu'il n'est âgé que de vingt-trois ans. La même année, l'écrivain pensionné et membre de la Société royale des bonnes lettres, assiste d'ailleurs au sacre du roi, qui a lieu le 29 mai en la cathédrale de Reims. Une ode rédigée pour l’occasion par le poète, chantre de l’alliance du trône et de l’autel, lui vaut un service de table en Sèvres ainsi qu’une entrevue avec le nouveau monarque.

Après le décès de sa mère hostile au projet de son fils, Hugo se marie le 12 octobre 1822 à Adèle Foucher, une amie d’enfance dont il s’est épris. L’écrivain est bientôt le père de quatre enfants. Se consacrant à son travail d’homme de Lettres, il se détourne peu à peu de ses obligations familiales et conjugales, s’éloignant de sa femme. Celle-ci se lie alors à son ami Charles Augustin de Sainte-Beuve, qui devient davantage qu’un consolateur amical auprès de la jeune épouse, à partir de 1830. Quelques années plus tard, en 1833, l'écrivain fait la connaissance de Juliette Drouet, une comédienne du Théâtre de la Porte Saint-Martin qu’il ne quittera plus.

"Poète du parti ultra" suivant le mot de Stendhal, ses convictions politiques évoluent au cours de ces années. Dès 1824, il fréquente le salon de Charles Nodier, à l’Arsenal où celui-ci est bibliothécaire, et se rapproche de l’opposition libérale. La mort de son père en 1828 réveille également son intérêt pour le passé napoléonien dont il découvre la grandeur. L'écrivain se prononcera d’ailleurs en faveur du retour en France de Louis-Napoléon Bonaparte, en d’autres temps, en 1847. Au mois de février 1827, le poète compose son ode "A la Colonne de la place Vendôme", un monument symbole de la gloire de l’Empereur des Français, fondu dans le bronze des canons pris aux armées prussiennes en 1806. Le 13 août 1829, Charles X fait interdire la représentation de sa pièce de théâtre "Marion Delorme" pour atteinte à la majesté royale. Victor Hugo refuse l’offre d’une pension royale de quatre mille francs, qui est censée le dédommager, et rompt alors avec le régime en place.

Son œuvre littéraire évolue également. Le drame de "Cromwell" en 1827 puis le recueil des "Orientales" au mois de janvier 1829 et leurs retentissantes préfaces en dessinent la nouvelle orientation. L’écrivain réclame d’avantage de liberté dans l’art et dans la création. Ceci est le prétexte de la bataille littéraire qui accueille la représentation du drame "Hernani", dont la première a lieu le 25 février 1830 au Théâtre-Français. Victor Hugo se présente alors comme le chef de file de la jeune génération romantique en animant le Cénacle, un cercle qui se réunit dans son appartement de la rue Notre Dame des Champs où se rencontrent les écrivains et les artistes de la jeune génération romantique. Parmi ceux-ci : Alfred de Vigny, Alfred de Musset, Gérard de Nerval, Eugène Delacroix… Le 23 novembre 1832, la censure royale s'exerce de nouveau à propos de sa nouvelle pièce de théâtre, "Le Roi s'amuse", représentée la veille sur la scène du Théâtre-Français.

Hugo est désormais un auteur à succès et s’illustre avec les poèmes publiés dans "Les Feuilles d’automne" en novembre 1831, "Les Chants du crépuscule" en 1835, "Les Voix intérieures" au mois de juin 1837 ainsi que dans "Les Rayons et les Ombres" en 1840. Ces recueils d'inspiration lyrique lui permettent de rivaliser auprès du public avec Alphonse de Lamartine, tandis que les représentations au théâtre de ses drames comme "Lucrèce Borgia", dont la première a lieu le 2 février 1833 à la Porte Saint-Martin, ou "Ruy Blas", en 1838 et avec Frédérick Lemaître dans le rôle titre, lui assurent de confortables revenus. Victor Hugo montre également ses préoccupations humanitaires dans "Le Dernier Jour d’un condamné" au mois de février 1829, puis "Claude Gueux" en juillet 1834, où il se fait le défenseur de l’abolition de la peine de mort. Une voix puissante et inspirée, mais trop isolée dans le siècle. Un nouveau roman, "Notre-Dame de Paris", publié le 16 mars 1831, connaît également un grand succès d’édition. Ce drame passionnel qui se noue autour de la personne d'Esméralda, cette redécouverte d’un passé médiéval mythifié et placé en toile de fond en font l’une des œuvres emblématiques du mouvement romantique. Le 7 janvier 1841, Hugo est enfin élu à l’Académie Française, après quatre échecs retentissants. C’est pour l'écrivain la consécration de sa gloire littéraire.

A cette époque, Victor Hugo entreprend également quelques voyages en compagnie de Juliette Drouet. Les deux amants visitent ensemble la Bretagne et la Normandie en 1836, puis la Belgique en 1837, l’Alsace et la Provence en 1839 et enfin les bords du Rhin l’année suivante. En 1842, l'écrivain publie à cette occasion un recueil de texte intitulé "Le Rhin", des impressions de voyage étoffées de quelques réflexions de circonstances. Laissant en effet de côté les polémiques qui opposent les milieux littéraires français et allemands, ce texte se conçoit comme un véritable programme de politique étrangère pour la France de la Monarchie de Juillet. Victor Hugo est ainsi favorable à l'unité allemande, celle-ci devant selon les vues de l'écrivain se réaliser au sein d'une Europe fédérale dont l'artère serait le Rhin, un axe franco-allemand.

Grâce à ses droits d’auteur, Hugo vit désormais avec de confortables revenus. Sa nouvelle demeure, située au 6 de la Place Royale (actuelle Place des Vosges) où il s’est installé au mois d'octobre 1832, est un lieu chic et mondain. Négociant habilement la publication de ses œuvres complètes, il vit dans l’aisance. A la différence de François-René de Chateaubriand, Hugo n’éprouve aucun regret pour le régime défunt, celui de la Restauration. Répondant à une commande du nouveau gouvernement, n’a t-il pas rédigé un "Hymne aux morts de juillet" en1831, exécuté au Panthéon lors de la célébration des "Trois Glorieuses" ?

A partir de 1837, l’écrivain est l’hôte assidu du duc d’Orléans, héritier du trône. Il se rapproche ainsi de la cour et se rallie bientôt à la Monarchie de Juillet. Le 13 avril 1845, le roi Louis-Philippe Ier le nomme Pair de France ce qui lui permet alors de siéger à la Chambre. Cependant, une nouvelle liaison avec une jeune femme mariée, Léonie d’Aunet, fait scandale. Les deux amants sont en effet surpris, le 5 juillet suivant, en flagrant délit d’adultère. Le prestige du notable en est éclaboussé, la jeune femme effectuera quant à elle deux mois de détention dans l'infamante prison de Saint-Lazare.

L’année 1843 amène de profonds bouleversement dans son existence. L’échec de sa nouvelle pièce de théâtre, "Les Burgraves", et surtout le décès accidentel de sa fille aînée Léopoldine, le 4 septembre, qui se noie avec son mari dans la Seine à Villequier, le touchent profondément. Au mois de novembre 1845, celui qui est un observateur attentif de la vie du peuple lors de ses promenades parisiennes entame un nouveau roman, qui devrait s’intituler "Les Misères". Victor Hugo noircit pendant cette période des centaines de feuilles de papier, autant de textes qui seront publiés par la suite, pendant ses années d'exil ainsi qu'au soir de sa vie.

Éloigné des problèmes politiques malgré ses fréquentations, la révolution de 1848 est pour l'écrivain une nouvelle commotion. Après avoir tenté de faire proclamer la régence de la duchesse d’Orléans, haranguant les ouvriers parisiens en armes place de la Bastille, le 24 février, il se rallie rapidement à la Seconde République. Le 2 mars suivant, Victor Hugo prononce d'ailleurs un vibrant discours Place des Vosges à l’occasion de la plantation d’un arbre de la liberté. Il appelle alors à vive voix l'avènement de la "République universelle". Le 4 juin 1848, lors d’élection complémentaire, l'écrivain est désigné comme député de Paris à l’Assemblée Constituante puis, le 13 mai 1849, à l’Assemblée Nationale avec l’appui des conservateurs. Au Palais-Bourbon, Hugo, prenant place sur les bancs de l’Assemblée, s’installe à droite.

Au cours des "Journées de Juin" pendant lesquelles le pouvoir réprime une insurrection populaire, à l'origine de laquelle se trouve la fermeture des Ateliers nationaux, le représentant du peuple, qui avait appelé à faire disparaître ces ateliers de charité quelques jours plus tôt, fait partie des soixante délégués chargés de tenir l'Assemblée au courant de la situation. Il préside également au mois d'août de la même année le Congrès de la paix qui se tient à Paris. Victor Hugo prononce à cette occasion un discours pacifiste qui connaît un grand retentissement en Europe. Fondateur d’un journal d’opinion, "L’Événement", avec ses deux fils et avec l'aide d'Émile de Girardin le 31 juillet 1848, il fait campagne pour l’élection à la présidence de la République de Louis-Napoléon Bonaparte. L’écrivain est alors le fervent partisan d’une démocratie libérale et sociale.

Cependant la vision qu’a Victor Hugo de sa mission d’homme politique a évolué au cours des derniers mois. Si le notable est toujours aussi effrayé par la violence utilisée par les agitateurs socialistes, par Adolphe Blanqui ou Armand Barbès notamment, il montre de plus en plus ses préoccupations humanitaires, s’inquiétant de la condition du peuple. Victor Hugo rompt bientôt avec la majorité conservatrice en prononçant des discours dénonçant la misère, le 9 juillet 1849, puis critiquant la loi Falloux, le 15 janvier 1850, ainsi que le vote de restrictions à la pratique du suffrage universel, le 20 mai suivant. "L’Événement" est d'ailleurs interdit au mois de septembre 1851.

Victor Hugo participe à l’opposition républicaine par le coup d’État du 2 décembre. Avec quelques autres députés républicains, il tente de former un comité de résistance, de soulever le peuple des faubourgs de la capitale après avoir lancé un appel à l'armée. En vain. Placé le 9 janvier 1852 sur la liste des proscrits et désormais interdit de séjour en France, il s’est exilé à Bruxelles depuis le 11 décembre précédent, voyageant muni d'un passeport au nom de Jacques-Firmin Lanvin. Les deux décennies de règne de Napoléon III seront pour l’écrivain et l’homme politique des années d’opposition et d’éloignement. Cet exil devient volontaire, après son refus de l’amnistie offerte par l’Empereur avec le décret du 16 août 1859.

Victor Hugo réside alors à proximité de la France, dans les îles Anglo-Normandes de la Manche. Dans sa villa de Marine-Terrace à Jersey, il s’initie aux "tables parlantes" grâce à Delphine de Girardin, épouse de l’homme de presse. Cependant, le 27 octobre 1855, l'écrivain est expulsé par les autorités après avoir protesté contre la visite de l'Empereur Napoléon III en Angleterre. Installé à Guernesey, il fait l’acquisition de Hauteville-House en 1856. Souffrant de la gorge et du froid, le proscrit se laisse pousser la barbe à partir de 1861. Dans les années qui suivent, sa famille s'éloigne de plus en plus fréquemment, afin notamment de s'occuper du devenir de ses contrats d'auteur. Sa femme, malade, le quitte bientôt et décède le 27 août 1868 à Bruxelles.

L'exilé rappelle régulièrement aux sujets de l'Empereur son existence. Membre du Comité de résistance au coup d'État, Victor Hugo fait entendre sa voix au moment de l'organisation d'un plébiscite le 21 novembre 1852 et destiné au rétablissement de la dignité impériale dans la personne de Louis-Napoléon Bonaparte. Il rédige pour l'occasion une lettre de protestation. L'année suivante, le 21 novembre 1853, l’écrivain fait également paraître "Les Châtiments", un pamphlet dirigé contre Napoléon III qu’il a précédemment surnommé "Napoléon-le-Petit". Son œuvre s’enrichit ensuite de romans qui constituent de véritables épopées humaines. "Les Misérables" publiés en 1862 sont un immense succès littéraire. Suivent "Les Travailleurs de la mer" en 1866 puis "L’Homme qui rit" en 1869. En 1859, un recueil de poèmes, "La Légende des siècles", qui vient après "Les Contemplations", s’inscrit dans cette veine d’inspiration.

Après la défaite de Sedan et la proclamation de la République, le 4 septembre 1870, Victor Hugo est de retour à Paris. Symbole vivant de la résistance républicaine au Second Empire, l'écrivain est accueilli en héros par la foule des Parisiens à la gare du Nord. Son "Appel aux Allemands", un texte maladroit et décalé, publié le 9 septembre suivant, n’ayant eu que peu d’effets sur les troupes ennemies, celles-ci entament un siège en règle de la capitale. Hugo participe alors à l’effort collectif de défense en distribuant les dividendes de ses droits d’auteur.

Élu député de la gauche républicaine dans la capitale le 8 février 1871, en seconde position après Louis Blanc mais devant Léon Gambetta, il démissionne quelques semaines plus tard, le 8 mars, peu satisfait de la volonté de restauration monarchique que montre l’Assemblée qui siège à Bordeaux. Victor Hugo n’approuve ni la paix signée le 1er mars 1871 ni l’accueil réservé à l'italien Giuseppe Garibaldi, celui-ci ayant pris part aux combats contre la Prusse aux côtés des Français. Se désolidarisant de l'aventure de la Commune, l'écrivain accueille néanmoins publiquement chez lui à Bruxelles, où il réside depuis le 22 mars, les communards réfugiés pendant la répression versaillaise.

Expulsé de Belgique, Victor Hugo se rend alors à Vianden au Luxembourg voisin. Il évoque bientôt les événements dramatiques de ces derniers mois dans "L’Année terrible", publiée en 1872. Le 7 janvier de la même année, l'écrivain est battu lors d'une élection législative partielle. Il lui faudra attendre quatre années et le 30 janvier 1876 pour retrouver sous la Troisième République un siège de parlementaire, en étant élu sénateur de Paris. Il milite alors au sein de l'assemblée pour l'amnistie des communards, celle-ci intervenant le 11 juillet 1880.

Entre temps, Hugo fait éditer de nouvelles œuvres. 1874 voit la parution de son dernier roman, "Quatre-vingt treize", dédié à la Révolution française et à la Convention. Des textes écrits le plus souvent pendant les années d’exil à Guernesey paraissent également : "L’Art d’être grand-père" au mois de mai 1877, "La Pitié suprême" en 1879, "Torquemada" en 1882, "L’Archipel de la Manche" au mois d’octobre 1883.

Cependant la santé du patriarche se détériore. Une congestion cérébrale qui le terrasse le 28 juin 1878 le laisse diminué. L'écrivain délaissera maintenant l'écriture, se contentant de mettre en forme et de publier ses productions inédites. En 1881, le nouveau régime "installé" fête son entrée dans sa quatre-vingtième année, ce qui donne lieu à une grande célébration populaire, le 27 février. L'avenue d'Eylau, dans la partie où il est installé depuis 1879, porte dorénavant son nom. Juliette Drouet décède le 11 mai 1883, Victor Hugo le 22 mai 1885 à 13 h 27 minutes, des suites d’une congestion pulmonaire.

La Troisième République lui offre alors des funérailles nationales. Celles-ci se déroulent le 1er juin suivant et sont l’occasion d’un vaste rassemblement populaire autour d’une des gloires nationales. La veille de l’événement, un immense catafalque stationné sous l’Arc-de-Triomphe permet à la foule de venir se recueillir pendant la nuit auprès du grand homme. Le corbillard des pauvres, que celui-ci a demandé dans son testament rédigé le 2 août 1883, s’élance enfin, suivi par un interminable cortège composé de deux millions d'admirateurs et de badauds. Il conduit le corps de Victor Hugo au Panthéon.

 

Villequier la maison de Léopoldine. 

 

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 Le 4 septembre 1843, la fille aînée de Victor Hugo, Léopoldine, qui vient d'avoir 19 ans, se noie avec son mari, Charles Vacquerie, entre Caudebec et Villequier. Ils essayaient un canot neuf et rentraient vers la propriété des parents de Charles. Les Vacquerie, riches armateurs havrais, descendants de pilotes, venaient de se faire construire sur la terre de leurs ancêtres "au pied d'une montagne chargée d'arbres, une maison de briques couverte de pampres verts", celle-ci domine les habitations de ce village situé sur la rive droite de la Seine.

Comment la fille du plus grand poète français du XIXème siècle est-elle venue chercher un époux en Normandie où ce jeune ménage trouva la mort six mois après son mariage ?

Pour le comprendre, il faut se rappeler l'extraordinaire ascendant exercé sur la jeunesse par le chef de file des Romantiques, Victor Hugo, depuis la célèbre bataille d'Hernani en 1830.

 

 

La famille Vacquerie comptait trois enfants :

- Marie Arsène (Madame Lefèvre), qui seule aura une descendance

- Charles, le futur époux de Léopoldine

- Auguste, si brillant au Collège Royal de Rouen que les émissaires de la pension Favart de Paris, vinrent solliciter de son père l'honneur de le compter parmi leurs élèves. Les collégiens suivaient les cours du Lycée Charlemagne. Mais pour Auguste, "Paris, c'était surtout Hugo".

 Aussi vint-il en 1837 demander à celui-ci l'autorisation de faire jouer Hernani pour la Saint Charlemagne. Bientôt suivi de son inséparable ami, Paul Meurice, Auguste entra très vite dans l'intimité du Maître, puis de sa famille, et bien entendu il s'éprit de la fille aînée du poète. Nous en retrouvons l'écho dans les vers de l'Album que Léopoldine, comme toute jeune fille romantique, présentait à ses amis : "Votre jeune beauté me tient".

 Auguste n'eut donc de cesse que sa mère invitât à Villequier Madame Hugo et ses quatre enfants, à venir y faire un séjour l'été 1839. Pour la famille Vacquerie, c'était un honneur un peu redoutable. La correspondance qui a été conservée en témoigne. Mais, ô surprise, Léopoldine préféra Charles à Auguste, et le pauvre de s'épancher plus tard : "Ainsi, c'était pour lui que tu venais au monde".

 

La propriété, dont le jardin au XIXème siècle descendait jusqu'à la Seine, demeura dans la famille Vacquerie jusqu'en 1951. Madame Pierre Lefèvre-Vacquerie vendit alors, à la commune de Villequier, le terrain des anciennes écuries et bibliothèques, qui, bombardées le 29 août 1944, ont fini par être démolies pour faire place aux parkings actuels, tandis que le Conseil Général de la Seine Inférieure, sous l'impulsion du Président André Marie et de Maurice Collet, Maire de Caudebec, votait l'achat de la maison pour y installer un musée Victor Hugo.

Monsieur Robert Flavigny, architecte et conservateur des Musées Départementaux, remit en état le pauvre immeuble qui avait terriblement souffert de la guerre et acheta des éditions rares, des autographes et des dessins de Victor Hugo.

La maison Vacquerie fut inaugurée par le Préfet, Monsieur Robert Hirsch le 15 novembre 1959. Hélas, quinze jours après l'inauguration, le remarquable conservateur mourait. Mais cela n'arrêta pas, comme on aurait pu le craindre, le développement de la nouvelle institution.

En effet, Madame André Gaveau, née Lefèvre-Vacquerie, manifesta immédiatement sa bienveillance au jeune musée en renouvelant, de 1959 à 1976, à 17 reprises, des donations de mobilier et d'oeuvres jadis conservées dans la maison de campagne de son enfance, sculptures, peintures, dessins et autographes inédits, sans parler de l'Album de Léopoldine. Grâce à elle, la salle à manger, le salon, le billard et les chambres s'animèrent, la maison était redevenue vivante.

 Mais sans le drame du 4 septembre 1843, il n'aurait pu être question d'y créer un musée. Il convenait donc qu'on y trouvât d'abord l'évocation de Léopoldine. C'est ce que comprit immédiatement Pierre Georgel, lorsqu'il franchit pour la première fois le seuil de la maison Vacquerie en 1966. L'année suivante était organisée la première exposition qui lançait le musée :  "Léopoldine Hugo, une jeune fille romantique". Cette manifestation fut doublement bénéfique. D'une part le catalogue de Pierre Georgel demeure le meilleur travail concernant la fille aînée de Victor Hugo, et d'autre part plusieurs prêteurs, notamment, se muèrent, eux aussi, en donateurs. Ainsi le musée s'enorgueillit-il de pièces ayant appartenu jadis à Victor Hugo, à son beau frère, Paul Foucher, et à ses disciples Paul Meurice et Auguste Vacquerie.

 

Dès l'entrée, le visiteur comprend que Léopoldine est le personnage premier de la maison : de sa naissance à sa survie dans l'oeuvre de son père, principalement dans les "Contemplations", ces "mémoires d'une âme" comme Victor Hugo les définit lui même.

 Léopoldine vint au monde le 28 août 1824, après la mort du premier enfant qui n'avait pas vécu, "grosse fille aussi vivace que notre pauvre Léopold était débile" écrit le jour même de sa naissance le poète à son père, le Général Hugo.

 De sa vie, nous savons tout ou presque, grâce aux lettres conservées à Villequier chez les Lefèvre-Vacquerie. Ils en ont fait au jeune musée le don royal. Ces 134 lettres représentent plus de la moitié de la correspondance de Léopoldine actuellement connue et publiée en 1976 par Pierre Georgel.

Ce sont d'abord celles de la petite enfance, adressées à Louise Bertin, la fille du fondateur du journal des Débats. La famille Hugo séjournait souvent dans la propriété de leurs amis au château des Roches, paradis pour les quatre enfants.

"Quelquefois je voyais de la colline en face,Mes quatre enfants jouer, tableau que rien n'efface ! Et j'entendais leurs chants. Emu je contemplais ces aubes de moi même Qui se levaient là bas dans la douceur suprême Des vallons et des champs"

 

Les années heureuses sont ainsi chantées dans maints poèmes des Contemplations dont la quatrième partie, Pauca meae, est consacrée à sa fille aînée.

 

"Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin
De venir dans ma chambre un peu chaque matin;
Je l'attendais ainsi qu'un rayon qu'on espère;
Elle entrait, et disait: Bonjour, mon petit père ;
Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s'asseyait
Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,
Puis soudain s'en allait comme un oiseau qui passe."

 

"Elle était pâle, et pourtant rose,
Petite avec de grands cheveux.
Elle disait souvent : je n'ose,
Et ne disait jamais : je veux.

Le soir, elle prenait ma Bible
Pour y faire épeler sa soeur,
Et, comme une lampe paisible,
Elle éclairait ce jeune coeur."

 

Mais le temps des jeux est passé. Léopoldine, qui ne professait guère de goût pour l'école, va bientôt obtenir l'autorisation de travailler chez elle. Depuis 1832, la famille habite un hôtel particulier, place Royale (devenue place des Vosges) où s'est installé l'actuel musée Victor Hugo.

Son Cahier de dictées où alternent des textes de Victor Hugo avec ceux de Sainte Beuve, ainsi que Paul et Virgine de Bernardin de Saint-Pierre, dédicacé par celui-ci à la petite fille, sont conservés à Villequier.

En 1836 elle fait sa première communion à Fourqueux. Châtillon peint la cérémonie, si sa célèbre toile est exposée dans le musée de la place des Vosges, le dessin de l'église par André Durand et son cachet de confirmation appartiennent au musée Villequier.

 

Cependant le moment vient où l'enfant devient une jeune fille. Elle commence à s'intéresser à la vie parisienne, c'est Mademoiselle Hugo qui sort, va à l'Opéra, au bal chez Madame Charles Nodier. Elle assiste aux pièces de son père à la Comédie Française, à son entrée sous la Coupole en 1841.

Tout cela, elle le raconte dans ses lettres à sa tante et amie, Julie Foucher (jeune soeur de Madame Hugo), mais presque sa contemporaine. Julie qui avait perdu sa mère était pensionnaire à la Légion d'Honneur à Saint Denis, où elle ne s'amusait guère. Léopoldine qui a bon coeur, essaie de l'en faire sortir le plus souvent possible et pense lui faire plaisir par le récit de ses mondanités.

Mais les effusions de tendresse les plus grandes sont entre le père et la fille. En 1837, il lui écrit d'Etaples près de Boulogne :

"J'ai cueilli pour toi cette fleur dans la dune. Et puis mon ange, j'ai tracé ton nom sur le sable, Didi. La vague de la haute mer l'effacera cette nuit, mais ce que rien n'effacera, c'est l'amour que ton père a pour toi".

Elle, de son côté, lui fait part de ses découvertes et de ses émerveillements.

Quand, répondant à l'invitation d'Auguste Vacquerie, Madame Victor Hugo et ses quatre enfants découvrent la Normandie en 1839, nous trouvons sous la plume de Léopoldine ces notations vibrantes :

"J'éprouve le besoin de te parler de toutes les merveilles que j'ai vues. Tu les a comprises si complètement toi, que tu comprendras bien aussi l'admiration que j'ai ressentie. Toutes les rives de la Seine sont si belles que pendant la traversée nous n'avons pas eu un instant d'ennui... Nous avons ensuite admiré Rouen et ses belles églises, sa cathédrale surtout que j'aurais visitée complètement. Je t'ai remercié dans le fond de mon coeur, mon père chéri, car c'est toi qui nous a appris à apprécier et à jouir des belles choses. La Seine borde le jardin de Monsieur Vacquerie. C'est une bien charmante maison que celle-ci, elle le serait bien d'avantage si tu l'habitais avec nous."

Victor Hugo effectuait alors son voyage annuel avec sa maîtresse Juliette Drouet.

C'est lors de ce séjour de près d'un mois, que naquirent les amours de  Léopoldine et du frère aîné d'Auguste, Charles. Amours encouragés secrètement par Adèle, mais d'abord cachés à Victor et peu appréciés de lui ensuite. On peut supposer que cette alliance provinciale semblait au grand homme indigne de sa fille et surtout de lui, et puis elle vient d'avoir tout juste 15 ans.

A Villequier, Lépoldine fait donc la connaissance de sa future belle famille que nous pouvons évoquer grâce aux peintures et dessins, oeuvres de jeunes artistes romantiques, amis d'Auguste et des Hugo, Châtillon, Louis Boulanger, David d'Angers..

Victor Hugo retardait donc le plus possible l'échéance, pour lui terrible, du mariage de sa fille. Auguste, généreusement, pressait les siens de faire une situation à Charles dans l'affaire familiale, pour ne pas donner prétexte aux atermoiements du poète. La date du 15 février 1843 fut finalement retenue. Mais le mariage eut lieu dans l'intimité, la famille Vacquerie étant en grand deuil (Marie Arsène venait de perdre un de ses jumeaux Paul Léon et son mari Nicolas). La cérémonie eut lieu à 9 heures du matin dans la chapelle des catéchismes de Saint Paul - Saint Louis, église paroissiale de la Place Royale, et le soir un dîner groupa une vingtaine de convives.

Victor Hugo avait composé pendant la messe le poème qu'il envoya à sa fille le lendemain, poème conservé chez les Vacquerie et donné par Jean Lefèvre-Vacquerie au musée en 1967 :

 

"Aime celui qui t’aime, et sois heureuse en lui.
— Adieu ! — sois son trésor, ô toi qui fus le nôtre !
Va, mon enfant béni, d’une famille à l’autre.
Emporte le bonheur et laisse-nous l’ennui !

Ici, l’on te retient ; là-bas, on te désire.
Fille, épouse, ange, enfant, fais ton double devoir.
Donne-nous un regret, donne-leur un espoir,
 Sors avec une larme ! entre avec un sourire !"

 

De l'existence brillante et facile que menait à Paris, Mademoiselle Hugo, Madame Charles Vacquerie passe sans transition au Havre où elle connaît l'ennuyeuse oisiveté de la vie provinciale à cette époque.

Le jeune ménage dispose d'une simple chambre chez Madame Lefèvre, il faut faire des économies. Comme il y a des domestiques, Léopoldine n'a rien à faire dans la maison, et les Vacquerie étant en grand deuil, on ne peut guère sortir...

 

Son occupation principale consiste donc à écrire quotidiennement à sa mère de longues missives, elle lui parle de "son bonheur si longtemps attendu", lui réitère les témoignages de sa touchante affection, et lui conte par le menu ses recherches d'une maison, afin qu'avec ses frères et sa soeur elle vienne passer l'été près d'elle. Quant à Victor Hugo, il se contentera de venir embrasser sa fille avant de partir pour l'Espagne avec Juliette Drouet.

Lorsqu'Adèle et ses enfants sont là, on ne se quitte plus guère... Cependant le jeune ménage est invité à aller passer quelques jours de septembre chez Madame Vacquerie mère à Villequier.

Les promenades en bateau à voile étaient une des grandes attractions de ces séjours au bord de la Seine. Il s'agissait, ce lundi 4 septembre, d'essayer un canot neuf de l'oncle Vacquerie qui s'en allait à Caudebec pour traiter une affaire notariale.

L'aller se passa sans encombres. Mais ce canot était mal gréé. Au retour, le notaire peu confiant sans doute dans les talents de navigateur de Pierre Vacquerie, se fit débarquer avant Villequier.

Soudain, dans la courbe du fleuve, au lieu dit "le dos d'âne" sous une rafale de vent, la barque chavira, les pierres dont on l'avait lestée malencontreusement à Caudebec roulèrent toutes du même côté, les quatre passagers (l'oncle Pierre, son jeune fils Artus, Charles et Léopoldine) tombèrent à l'eau.

Charles excellent nageur, essaya désespérément de sauver sa femme empêtrée dans les voiles, mais n'y parvenant pas, se laissa couler avec elle, cependant que Madame Vacquerie mère, des jumelles à la main, inquiète du retard excessif, scrutait en vain l'horizon, comme l'a conté au Journal Le Figaro en 1885, Austreberthe Souday, l'ancienne servante de Madame Vacquerie.

Ce naufrage qui avait fait d'un seul coup quatre morts, sema la consternation dans le village. Les jeunes époux furent enterrés dans un même cercueil.

Prévenue par la lettre bouleversée et bouleversante de Madame Vacquerie, Adèle s'enfuit directement chez son père Pierre Foucher, avec sa seconde fille en attendant le retour de son mari parti depuis deux mois.

C'est dans le café de l'Europe à Rochefort, que celui-ci fut foudroyé par la nouvelle en ouvrant le journal Le Siècle, le 9 septembre, donc cinq jours après le drame. Il mettra encore trois autres journées pour regagner Paris, par Orléans où l'on hissera la diligence sur le train.

Le seul faire part connu à l'heure actuelle appartient au musée de Villequier.

 

Sa douleur, et parfois son remords, s'épanchèrent les années suivantes dans les vers des Contemplations.

 

Oh ! je fus comme fou dans le premier moment, 
Hélas ! et je pleurai trois jours amèrement.
Vous tous à qui Dieu prit votre chère espérance,
Pères, mères, dont l'âme a souffert ma souffrance,
Tout ce que j'éprouvais, l'avez-vous éprouvé ?
Je voulais me briser le front sur le pavé ;
Puis je me révoltais, et, par moments, terrible,
Je fixais mes regards sur cette chose horrible,
Et je n'y croyais pas, et je m'écriais : Non ! --
Est-ce que Dieu permet de ces malheurs sans nom
Qui font que dans le coeur le désespoir se lève ? --
Il me semblait que tout n'était qu'un affreux rêve,
Qu'elle ne pouvait pas m'avoir ainsi quitté,
Que je l'entendais rire en la chambre à côté,
Que c'était impossible enfin qu'elle fût morte,
Et que j'allais la voir entrer par cette porte !

Oh ! que de fois j'ai dit : Silence ! elle a parlé !
Tenez ! voici le bruit de sa main sur la clé !
Attendez! elle vient ! laissez-moi, que j'écoute !
Car elle est quelque part dans la maison sans doute !

 

 

Il est temps que je me repose ;
Je suis terrassé par le sort.
Ne me parlez pas d'autre chose
Que des ténèbres où l'on dort !

 

Mais l'année suivante, la première et la dernière strophe de Demain dès l'aube, respirent un certain apaisement :

 

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

 

Le plus célèbre est sans contredit le long poème intitulé "A Villequier"

 

Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres,
Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux ;
Maintenant que je suis sous les branches des arbres,
Et que je puis songer à la beauté des cieux ;

......

Maintenant que je puis, assis au bord des ondes,
Emu par ce superbe et tranquille horizon,
Examiner en moi les vérités profondes
Et regarder les fleurs qui sont dans le gazon ;

......

Je viens à vous, Seigneur, père auquel il faut croire ;
Je vous porte, apaisé,
Les morceaux de ce cœur tout plein de votre gloire
Que vous avez brisé ;

......

 

Victor Hugo voudra célébrer plus tard en un long poème, ce gendre héroïque qu'il avait jadis méprisé :

 

Il ne sera pas dit que ce jeune homme, ô deuil !
Se sera de ses mains ouvert l'affreux cercueil
Où séjourne l'ombre abhorrée,
Hélas ! et qu'il aura lui-même dans la mort
De ses jours généreux, encor pleins jusqu'au bord,
Renversé la coupe dorée,

Et que sa mère, pâle et perdant la raison,
Aura vu rapporter au seuil de sa maison,
Sous un suaire aux plis funèbres,
Ce fils, naguère encor pareil au jour qui naît,
Maintenant blème et froid, tel que la mort venait
De le faire pour les ténèbres ;

Il ne sera pas dit qu'il sera mort ainsi,
Qu'il aura, coeur profond et par l'amour saisi,
Donné sa vie à ma colombe,
Et qu'il l'aura suivie au lieu morne et voilé,
Sans que la voix du père à genoux ait parlé
A cet âme dans cette tombe !

 

Le triste voyage de Victor Hugo et de Juliette s'inscrivait dans une tradition vieille de dix ans. Il avait fait la connaissance de cette ravissante actrice en 1833, lorsqu'elle tenait le petit rôle de la Princesse Negroni dans Lucrèce Borgia. Adèle, attirée par Sainte Beuve, s'étant éloignée de son mari, Victor se consola avec Juliette qui devait se révéler une des plus fidèles et des plus nobles amoureuses de l'humanité. Pour lui, elle quitta le riche Prince Demidoff, et accepta une vie de recluse, dans l'ombre de la famille Hugo. La seule compensation aux exigences tyranniques du poète était ce grand voyage estival où durant plusieurs semaines consécutives "allant de patache en coucou" ils visitaient en détail une région nouvelle.

Cette Normandie qui lui avait enlevé sa fille, Victor Hugo lui reste particulièrement attaché. L'auteur dramatique s'est tu depuis la chute des Burgraves qui avait coïncidé avec la mort de Léopoldine. Malgré, ou à cause de ces épreuves, les années qu'il vit jusqu'à la Révolution de 1848 sont très agitées sentimentalement et actives politiquement. Dans le domaine personnel, c'est le scandale du flagrant délit d'adultère avec Madame Biard en 1845. Celle-ci est incarcérée, le poète, lui, grâce à sa nomination toute récente de pair de France, échappe à l'emprisonnement.

En 1846, soit trois ans après la mort de Léopoldine, Victor Hugo vient se recueillir sur sa tombe à Villequier où sa femme a pris l'habitude de venir chaque automne depuis 1844. Tandis que le ménage Hugo loge chez ses amis Vacquerie, Juliette se cache à l'hôtel du Commerce à Caudebec , mais elle rejoindra deux fois son bien aimé sur la tombe de la chère Didine à laquelle elle était si attachée. Les deux amants associaient son souvenir à celui de Claire, la fille que Juliette avait eue avec le sculpteur James Pradier, et qui elle aussi était morte à 20 ans en 1846.

 

Quoi donc ! la vôtre aussi ! la vôtre suit la mienne !
O mère au coeur profond, mère, vous avez beau
Laisser la porte ouverte afin qu'elle revienne,
Cette pierre là-bas dans l'herbe est un tombeau !

La mienne disparut dans les flots qui se mêlent ;
Alors, ce fut ton tour, Claire, et tu t'envolas.
Est-ce donc que là-haut dans l'ombre elles s'appellent,
Qu'elles s'en vont ainsi l'une après l'autre, hélas ?

......

 

Quel âge hier ? Vingt ans. Et quel âge aujourd'hui ?
L'éternité. Ce front pendant une heure a lui.
Elle avait les doux chants et les grâces superbes ;
Elle semblait porter de radieuses gerbes ;
Rien qu'à la voir passer, on lui disait: Merci !
Qu'est-ce donc que la vie, hélas ! pour mettre ainsi
Les êtres les plus purs et les meilleurs en fuite ?
Et, moi, je l'avais vue encor toute petite.
Elle me disait vous, et je lui disais tu.

.....

 

Puis ce seront après la Révolution de 1848, les trois années de troubles politiques auxquels il est mêlé. Elu député de Paris, avec 86 965 voix alors que Louis Bonaparte n'en avait eues que 84 420. Mais les évènements s'aggravent, Victor Hugo est pourchassé et sa famille quitte l'appartement de la place Royale, envahi par les émeutiers.

Lors du coup d'état du 2 décembre 1851, il échoue dans sa tentative de soulèvement du peuple de Paris contre le Prince Président. Recherché par la police, il doit son salut à Juliette qui lui procure un passeport pour la Belgique et il passe la frontière déguisé en ouvrier. L'exil commençait, il devait durer autant que le Second Empire, soit dix huit ans.

 

 

 

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Reportage sur différentes villégiatures de Victor Hugo Partie I

Reportage sur différentes villégiatures de Victor Hugo Partie II 

 

Je tiens à remercier particulièrement les auteurs de ces blogs qui m'ont permi très gentiment d'utiliser certaines de leurs photographies. Bonne visite dans leur univers.

- Bonheur de lire 

- La mère de la mule 

 

 

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